Dans la presse...

 Pierre Bénite : 1 - Paysages de la zone

Voyage au pays des zoniers

I — Paysages de la zone

L’Ami du peuple — 19 juillet 1930

La zone se meurt. Avec la ceinture des « fortifs » qu’on arrache par lambeaux chaque année autour de Paris, la zone se désagrège avec lenteur. Surpris comme des rats derrière des murs brusquement abattus, les zoniers filent. D’autres résistent et font face aux démolisseurs. Mais il faut bien un jour ou l’autre céder la place.

Ce n’est pas la chasse qu’on leur fait, certes non. Ils ne sont obligés de déguerpir, d’emporter leur baraque, tel Cain fuyant sous le regard de Dieu, sans savoir où aller réinstaller leur famille et replanter leurs choux, parce que les nécessités urbaines et départementales font loi. Paris congestionné est obligé d’élargir sa ceinture. Mais le ventre de Paris n’est pas d’une rondeur totalement uniforme. Il n’oblige ceux qui le serrent de trop à céder du terrain qu’aux endroits où l’éventration peu à peu le menace. Il en résulte que la zone bien loin d’être déjà complétement disparue, subsiste encore par langues de terre, de baraquements et de verdure comme un collier d’ilots étroits autour de la grande île qu’est notre capitale.

De tout temps la zone fut pittoresque. Maints écrivains l’ont chantée, maints peintres l’ont transcrite.

Notre but n’est pas de faire revivre son passé en évoquant les coins qui ne sont plus. Nous voulons en cet an de grâce 1930, situer une dernière fois l’image de la zone qui reste, celle point encore disparue où chiffonniers, revendeurs, marchands de ferraille respirent en marge de Paris dans lequel ils s’enfoncent à l’aube, pour en sortir au crépuscule, un air qui n’appartiendra que plus tard à nos arrondissements.

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N’entre point dans la zone qui veut — et pour la bonne raison qu’il faut pouvoir s »y reconnaitre. Sans l’appui du peintre Serge-Henri Moreau, qu’eussé-je fait ?

Serge-Henri Moreau, spécialiste de la zone en matière de peinture, la connait dans ses moindre recoins. Il en a analysé l’atmosphère de grisaille, escaladé les monticules les mieux garnis de boites de conserve.

Illustration originale de l'article

 

De ces observatoires qu'il m'a fait gravir avec lui, nous avons découvert ensemble un monde nouveau, quelque chose comme des cités inconnues, bizarrement construites avec des rues tracées selon le caprice d'un plan que seule ordonna la nature.

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C'est par la petite porte de Bicêtre, sur le boulevard Kellermann, que nous avons commencé notre voyage circulaire.

La petite porte de Bicêtre s'encadre encore dans l’épaisseur de pierre des fortifications. Des hauts talus herbus qui la dominent où dorment déchaussés et béats ceux qui vivent d'un de pain et de l'amour de la nature, nous avons d'un coup d'œil le premier pays que nous allions parcourir.

L’hospice de Bicêtre le limite, le cimetière de Gentilly y met sa tache blanche. Plus loin, un clocher le domine.

Mais, près de nous, l'aspect en est fait, en ce juillet humide, d'une futaie si haute qu'on pourrait douter qu’on découvre dessous autre chose que des champignons. Est-ce donc là cette zone lépreuse qu'on nous avait décrite, poussée sur les terrains et sans arbres ?

C'est que la zone, et à la porte de Bicêtre jouit d'un privilège. Elle est arrosée par la Bièvre l'endroit même où la petite rivière s'engouffre sous les murs de Paris.

— Maintenant, allons sur les lieux, m’a proposé mon guide.

Pierre Bénite.

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Aperçu de la zone à la porte d'Italie
Photographie (détail) de Charles Lansiaux
Crédits : © Charles Lansiaux / DHAAP


Sur la Zone...

Le commencement de la fin de la Zone

Les articles d'Émile Condroyer

La capitale démantelée (1930)

Autres textes d'Émile Condroyer

Voyage au pays des zoniers (Série d'articles de Pierre Bénite - 1930)

Dans l’étau des grands buildings (Série d'articles de Pierre Humbourg - 1931)

Divers aspects de la zone dans les années 30

Les Zoniers

Faits divers

Dans la presse...


L’état de santé de Blanqui

À l'issue de la réunion, le brusque passage d'un milieu chauffé dans l’atmosphère humide de la rue lui causa un frisson : Blanqui eut une défaillance dont il se releva aussitôt. Il voulait marcher, mais les personnes qui l'accompagnaient l'obligèrent à monter dans un fiacre où, malgré sa résistance, on le recouvrit d'un gros pardessus.
On le conduisit chez un de ses amis, 25, boulevard d'Italie. (1880)

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A bas les taudis !

Suivez, comme nous, les rues Nationale, Jeanne-d’Arc, Campo-Formio, Louis-Français, Esquirol, Baudricourt, traversez la Cité Doré, le passage Grouin, l’impasse des Hautes-Formes et de temps en temps, arrêtez-vous devant un immeuble... (1926)

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Des masures à l’impasse Moret

L'impasse Moret est, dans le treizième arrondissement une enclave insalubre et sordide qui ne vaut pas mieux, si toutefois elle n'est pire, que les taudis sinistres de l'impasse du Mont-Viso [...]
Ce petit coin du vieux Paris, où la Bièvre étale encore en plein air ses eaux noires qu'empuantissent les déchets des tanneries dont elle est bordée, présente en ce moment pour les fervents du passé, un vif attrait. (1911)

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Les mensonges des patrons mégissiers

Le citoyen Deslandres, conseiller municipal socialiste de Paris, aura rendu un service signalé au quartier de Croulebarbe, en obtenant de la Ville qu'elle recouvre et transforme en égout les deux bras de la Bièvre qui traverse le passage Moret à ciel ouvert. (1911)

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La professsion de cambrurier

Deux commis voyageurs, arrêtés hier après-midi dans un bar de la rue de Tolbiac, discutaient devant les deux bocks qu’ils avaient commandés pour étancher leur soif... (1901)

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Saviez-vous que... ?

En 1887, Camille Claudel vivait dans un atelier loué pour elle par Auguste Rodin, la Folie Neubourg ou Clos Payen, 68 boulevard d’Italie, actuel boulebard Blanqui

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La retraite du 21e régiment d'infanterie coloniale qui, le 22 mars 1913, passa par les rues de Patay, Jeanne d'Arc, le boulevard de la Gare, les rues Pinel, de Campo Formio, les avenues des Gobelins et de Choisy ne donna lieu à aucun incident.

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Ernest Rousselle (1836-1896) -C'est lui ! - et son fils Henri (1866-1925) étaient négociants en vins.

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Jusqu’à la fin des années 1920, la rue de la Fontaine-à-Mulard commençait avenue d’Italie, s’interrompait rue Damesme et reprenait rue de la Colonie pour se terminer définitivement place de Rungis. Il y avait près de 500 mètres entre le n°2 et le n°4.
Le tronçon compris entre l’avenue d’Italie et la rue Damesme devint la rue du Dr Laurent.

L'image du jour

La folie Neubourg sur le boulevard Auguste Blanqui, déjà en partie démolie.