Une tournée apostolique à la Maison-Blanche
La Croix — 26 avril 1891
L'abbé Garnier a fait cette semaine une tournée apostolique à la Maison Blanche. C'est un bon coin de Paris, plein d'honnêtes travailleurs, mais, hélas ! aussi, un pauvre nid à misère.
— Marche pas toujours, l'ouvrage !
Et il y a là, bien des petites gens que le terme embarrasse et pour qui, quatre fois par an, le 8 du mois est un vrai quart d'heure de Rabelais.
Cela se trouve là-bas là-bas, derrière la montée des Gobelins.
Sur une grande et large avenue, vous apercevez à peine, entre deux toits plus haut que lui, le clocheton de la petite chapelle Bréa.
Pas grande, la chapelle Bréa ! Et à la première Communion et aux fêtes, il doit rester plus de monde à la porte qu'il n'en entre dans l'église.
Car c'est là toute l'église paroissiale de cette immense fourmilière de 40 000 travailleurs.
Vous croyez que le Conseil municipal s'en émeut ?
Ah ! bien oui ! Ne vaut-il pas mieux, avec l'argent des contribuables, se payer de petits voyages d'inspection en Algérie ou ailleurs, avec de modestes dîners à 30 francs par tête ?
C'est plus fin de siècle que de bâtir une église absolument nécessaire.
Et ne vous y trompez pas, cette petite paroisse-là est une vaillante. Et il y a là de fameux lapins, comme ce Paulin Enfert, qui a su réunir avec le concours d'un homme du monde plein de cœur, et de plusieurs étudiants, plus de 400 enfants des écoles laïques dans un vaste patronage.
Sur l'avenue de Choisy, l'abbé Garnier a pu serrer la main de l'excellent et sympathique directeur de l'école paroissiale, le Frère Abel-Joseph, si populaire que les jeunes gens se sont opposés à un déplacement honorable pour lui.
Il a pu constater, rue Vandrezanne et à la Glacière l'existence de deux florissants patronages de jeunes filles des écoles laïques.
Et je suis sûr que sa parole ardente a trouvé un écho dans le cœur des courageuses Filles de la Charité, qui sont la providence du quartier.
Ah ! il n'y a que l'Église, voyez-vous, pour faire du bon socialisme et du pratique ! La vénérable supérieure, dont on faisait naguère les noces d'or, et qui paraît toute disposée à célébrer bientôt ses noces de diamant, a successivement établi autour d'elle, dans une véritable cité des pauvres une grande école, un patronage, deux ouvroirs, un orphelinat, une pharmacie, un asile enfantin, une crèche (une des plus belles de Paris), enfin, un asile de vieillards.
Sans compter le fourneau économique, où vous pourrez, si vous voulez m'en croire, faire un jour une intéressante causerie, sur la misère du quartier, avec la bonne vieille Sœur Marthe, une fine mouche, comme on dit autour d'elle, et la providence des pauvres, qu'elle sert lit depuis plus de 30 ans.
Mais surtout, il y a là-bas, dans le clergé, un groupe d'hommes énergiques et dévoués, qui n'a jamais craint la fatigue, dont l'action ardente et soutenue a fait la paroisse ce qu'elle est, une des premières de Paris pour l'organisation des œuvres. Pour cela, il a fallu peiner dur et mordre Terme au gâteau de Maison-Blanche, selon l'expression humoristique d'un vieux vicaire.
Il faut vous dire que M. le curé n'a pas les jambes engourdies, ni la bouche close, et qu'il dirige sa petite armée avec une admirable vaillance.
Ah ! messieurs les francs-maçons, d'ici que vous ayez à votre service des gens de cœur comme ceux-là, il aura passé de l'eau sous le Pont-Neuf.
Salut donc à nos amis de là-bas surtout à notre Comité d'action sociale et à nos lecteurs. Mais qu'on ne s'endorme pas.
Il faut qu'à Maison-Blanche et ailleurs, tout ce qu'il y a d'ouvriers chrétiens et qui ont du cœur, s'unissent et s'organisent pour faire face au danger social qui nous menace.
Place aux vaillants ! aux intrépides! que les jeunes rivalisent de courage avec les anciens.
C'est en lisant chaque jour le journal catholique populaire, c'est en en propageant la lecture, que l'on assurera, que l'on décuplera pour l'avenir les succès obtenus.
Et nous ne doutons pas qu'une intelligente et active propagande du journal La Croix, ne soit un des meilleurs fruits de la chaude parole de l'abbé Garnier.
Le Promeneur.
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