Sur la Bièvre...

 La Bièvre et les écrivains - L. DESCAVES

La Bièvre et les écrivains

Le Journal — 29 mai 1922

Deux amateurs d'art, MM. Eugène Le Senne et Albert Vuaflari, ont eu l'heureuse idée de réunir sous la même couverture et de faire graver, sur bois par Alfred Latour, trois « portraits » de la Bièvre, exécutés à des époques différentes par Alfred Delvau (1854), J.-K. Huysmans (1886) et Adrien Mithouard (1906). La présentation en appartient à André Suarès, qui s'est acquitté de sa tâche, ainsi qu'on en peut juger par l'extrait que nous reproduisons ci-après.

Je regrette que les éditeurs de ce chef-d'œuvre d'art typographique moderne n'aient pas donné, tout au moins en annexe, aux proses, ciselées par Huysmans, Mithouard, Suarès et Delvau, le bienfaisant mémoire du professeur Hallé à l'Académie de médecine, en 1790, et aussi les Recherches et considérations sur la Rivière de Bièvre ou des Gobelins, lues à la même Académie et publiées en 1822, il y a juste cent ans, par Pavet de Courteille et Parent-Duchàtelet.

J'ai la brochure de ces derniers sous les yeux et, n'en déplaise à André Suarès, c'est le portrait de la Bièvre, par Huysmans, que les témoignages avèrent. D'humbles détails justifient les mesures que l'on a prises, oh ! bien lentement, pour couvrir la, Bièvre dans l'intérieur de Paris. J'ai assisté aux dernières phases de son enfouissement ; je puis dire qu'il n'avait pas cessé de se faire désirer par les riverains infectés. La Bièvre était réellement devenue, dans les quartiers qu'elle traversait, une petite rivière de mauvaise vie.

Limpide à sa source et potable, elle avait, à la vérité, toujours joui à Paris d'une détestable réputation, « Nous en avons bu rue Censier (disent Parent-Duchâtelet et Pavet de Courteille) qui, sans être agréable, n'était pas, cependant, répugnante ; mais si on l'abandonne à elle-même, pendant plus de trente-six heures, elle reprend ses mauvaises qualités. » Façon de dire qu'elle tourne mal. Donc, Huysmans est dans le vrai. Elle exhalait, pendant les chaleurs  de l'été, une odeur insupportable.

« Nous tenons de tous les riverains que nous avons consultés, disent nos autorités, qu'ils ne peuvent garder le bouillon chez eux pendant plus de huit ou dix heures ; ils nous ont également assuré que l'argenterie et la batterie de cuisine étaient fréquemment ternies et altérées, ce qui prouve dans les émanations l'existence de  l'hydrogène sulfuré… C'est principalement dans les lieux où la rivière coule entre les maisons, que les exhalaisons paraissent  plus fortes. Il en est de même du voisinage de son embouchure ; elles sont telles à cet endroit, que le restaurateur situé à deux pas voit souvent déserter ses chambres et ses tables pendant l'été. »

Nul ne mettrait en doute la nocivité d'un pareil foyer d'infection dans un quartier habité (vers 1820) par 30,000 individus, pour la plupart indigents et entassés les uns sur les autres…

Erreur.

« Ce n'est pas sans une vive satisfaction, disent les investigateurs, que nous pouvons rassurer les habitants. Il nous a été impossible de trouver la moindre différence dans la santé et la constitution physique de ceux qui habitent les bords de la rivière et de ceux qui logent dans- les autres quartiers. »

Souillon, selon Huysmans, ou princesse, selon Suarès, la Bièvre a néanmoins vécu… Je l'ai vue moribonde. J'ai recueilli son dernier soupir. Il ne sentait pas bon. Mais elle est morte tout de même en odeur de sainteté, puisque trois et même quatre écrivains l‘ont canonisée.

LUCIEN DESCAVES.

A lire

Trois témoins de la Bièvre par André Suarès

Au bord de la Bièvre : impressions et souvenirs  par Alfred Delvau (Sur le site de Gallica)

La Bièvre par J.K. Huysmans

La perdition de la Bièvre par Adrien Mithouard


Recherches et considérations sur la rivière de Bièvre, ou des Gobelins ; et sur les moyens d'améliorer son cours relativement à la salubrité publique et à l'industrie manufacturière de la ville de Paris ; lues à l'Académie royale de médecine, le 29 janvier 1822, par MM. Parent-Duchatelet et Pavet de Courteille,... (sur Gallica)

Sur la Bièvre ...

La Bièvre à Paris

Gazette nationale ou le Moniteur universel (8 avril 1855)

Ce qu'il faut savoir sur la Bièvre

Dictionnaire de la conversation et de la lecture : inventaire raisonné des notions générales les plus indispensables à tous (1859)

Paris qui s'en va

A. Hermant (1865)

Les égouts et la Bièvre !

Le Siècle (14 janvier 1867)

La canalisation de la Bièvre !

Le Siècle (30 mars 1867)

La Bièvre — Un enfant asphyxié !

Le Droit (6 avril 1871)

Les eaux de la Bièvre !

Le Temps (7 décembre 1875)

La Bièvre

Charles Frémine (Illust. Auguste Lançon) (1876)

La Bièvre

Gazette Nationale ou le Moniteur universel (1877)

Le canal latéral de la Bièvre

Le Petit-Journal (1878)

Les berges de la Bièvre

Le Siècle (1878)

La Bièvre (in Croquis parisiens)

J.K. Huysmans (1880)

Pauvre Bièvre !

Le Rappel (1883)

L'empoisonnement de Paris

Le Petit-Parisien (1884)

La Bièvre

J.K. Huysmans (1886)

La Bièvre

Lucien Victior-Meunier (Le Rappel - 1887)

La Bièvre

Le Petit-Journal 22 septembre 1887)

La Bièvre

L'Intrangisant (1890)

La Bièvre

Alfred Ernst (1890)

Aux bords de la Bièvre

Rodolphe Darzens (1892)

La disparition de la Bièvre

Le Journal des débats politiques et littéraires (1893)

Le curage de la Bièvre

Le Soleil (1894)

La disparition de la Bièvre

Le Petit-Journal (1894)

La Bièvre

L'Intransigeant (1895)

La Bièvre

G. Lenotre (1896)

La Bièvre déborde

Pierre Véron (1897)

La Bièvre

Louis Sauty (1898)

Au bord du passé

Henri Céard (1898)

La Bièvre et ses bords

Le Figaro (1899)

Paris sur la Bièvre

Henri Céard (1900)

La Bièvre

Gustave Coquiot (1900)

Les colères de la Bièvre

La République française (1er juin 1901)

Le ruisseau malin

La République française (2 juin 1901)

A propos de la Bièvre

Le Temps (9 juin 1901)

La Bièvre (Le vieux Paris)

Paris (1902)

La Bièvre (Paris qui s'en va)

Gustave Coquiot (1903)

La fin d'une rivière

Le Rappel (1904)

La Bièvre

La Petite République (1904)

Le long de la Bièvre

Georges Cain (1905)

Autour de la Bièvre

Georges Cain (1907)

La perdition de la Bièvre

Adrien Mithouard (1906)

La couverture de la Bièvre

A.-J. Derouen (1907)

Le danger de la Bièvre

Le Petit-Journal (1908)

Un voyage à l'île des singes

Raymond Lecuyer (1908)

Le dernier soupir de la Bièvre

F. Robert-Kemp (1909)

La Bièvre

Albert Flament (1911)

La fin de la Bièvre

Léon Gosset (1911)

Pauvres ruisseaux

F. Robert-Kemp (1912)

La rivière perdue (Léo Larguier)

Le Journal des débats politiques et littéraires (1926)

La Bièvre et la fête des fraises (Gustave Dallier)

Le Petit-Journal (1926)

Les fantaisies de la Bièvre

Léon Maillard (1928)

Saviez-vous que... ?

En 1897, il y avait un magasin de porcelaine au 196 de l'avenue de Choisy dans laquelle le cheval du fiacre n°7119 entra le 26 mars…

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La rue située entre la rue du Château des Rentiers et la rue Nationale fut dénommée rue Deldroux, en 1888.
Deldroux était un canonnier qui, en 1871, préféra, mourir que de rendre sa pièce.

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Ernest Rousselle (1836-1896), conseiller municipal du 13e arrondissement et président du Conseil municipal de Paris, était un adversaire résolu de tout projet de métropolitain qu'il considérait comme contraire aux intérêts de Paris. Dans une notice nécrologique publiée le 17 mai 1896, le quotidien La Gazette le décrivait comme étant de taille moyenne, trapu avec une barbe épaisse, l'air véhément et pompeux.

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Jusqu’à la fin des années 1920, la rue de la Fontaine-à-Mulard commençait avenue d’Italie, s’interrompait rue Damesme et reprenait rue de la Colonie pour se terminer définitivement place de Rungis. Il y avait près de 500 mètres entre le n°2 et le n°4.
Le tronçon compris entre l’avenue d’Italie et la rue Damesme devint la rue du Dr Laurent.

L'image du jour

Rue de la Fontaine-à-Mulard