La Bièvre déborde !
Le Monde Illustré — 13 février 1897
La Bièvre déborde ! Ce fut le cri sensationnel et ahurissant de la semaine.
Qui aurait jamais pu prévoir qu'un jour ce sinistre cloaque serait pris du
désir d'excursionner aux alentours ? Et même, en admettant ce désir-là, la gluante
et compacte qualité de son liquide semblait lui interdire irrévocablement une
pareille fantaisie.
Un pot de confitures peut-il se métamorphoser en cascade ?
La chose est arrivée cependant. La confiture d'infection qui s'appelle la
Bièvre a fait la pourriture buissonnière.
Occasion propice pour demander à nos imposants hygiénistes et à nos solennels
édiles ce qu'ils attendent pour mettre un couvercle sur cette tinette. Si vous
voulez vous rendre compte de l'ignoble saleté qu'on tolère encore à Paris, malgré
les belles théories sur l'antimicrobisme, allez-vous en avenue des Gobelins.
Tournez à droite sur le boulevard Arago, puis à gauche dans une toute petite
rue, et regardez. C'est un des spectacles les plus invraisemblables qu'on puisse
rêver en une nuit de cauchemars.
Là, entre deux haies de baraques sordides et puantes, croupit quelque chose
d'indescriptible.
La Venise de la putréfaction !
Les baraques dont je parlais et qui servent de domicile à des tanneries,
ont leurs pieds plongés dans une eau agglutinée, où s'accumulent les détritus
de cadavres dont on a débarrassé les peaux sur lesquelles on doit opérer. Aux
approches d'un petit pont qui serait pittoresque s'il n'était immonde, toute
cette purée stationne, et quand, par hasard, un bout de soleil trouve moyen
de pénétrer là-dedans, juste ciel, quelle suprême infection !
Voilà l'ignominie dont on nous promet toujours de nous délivrer, sans que
la promesse soit jamais tenue. Attend-on qu'une belle épidémie ait décimé la
population pour se décider à faire quelque chose ?
J'ai dans l'idée que si la Bièvre déborde, comme j'ai eu l'honneur de vous
l'annoncer, c'est, l'infortunée, pour tâcher d'échapper à ses propres émanations.
Pierre VÉRON

VÉRON Pierre (1831-1900) : Écrivain et journaliste. Il collabore
à de nombreux journaux dont La Revue de Paris, Le Monde illustré, Le Courrier
de Paris. En 1858, il devient rédacteur au Charivari. En 1865, il en devient
rédacteur en chef – à la suite de Louis Huart – jusqu’en 1899. Il est l’auteur
de nombreux ouvrages humoristiques, comme Paris s’amuse (1861) ; en collaboration
avec Henri Rochefort, le vaudeville Sauvé, mon Dieu (1865) ; La Mythologie parisienne
(1867).
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