Coins de Paris
Rue de la Fontaine-à-Mulard.
La Petite République — 2 avril 1904

image sous licence CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet
Rue, ruelle, rote, sente ? On ne pourrait dire. Serrée entre palissades, élargie, resserrée, elle serpente à travers la vallée de la Bièvre, montant, descendant, avec des imprévus et des pittoresques qu’on retrouve dans les vieilles cités ruinées qui s’effritent sous les lézardes du temps.
La fontaine existe encore. Envoûtée, elle est là comme un monument, rouillée, archaïque, stérile, laissant reposer son unique bras de fer sans un geste utile qui puisse expliquer sa présence. Et l’on imagine je ne sais quelle légende de château-fort en regardant autour de cette fontaine abandonnée, les ruines qui pleurent, les bicoques de hameau et les pierres qui tombent.
De l’autre côté, on aperçoit soudain un filet d'eau qui coule, et noir et brunâtre et jaune et violet, multicolore, la Bièvre, que des tanneries utilisent encore et qui, malgré tout, donne à ce paysage provincial un aspect de fraîcheur et de vie.
D'anciennes auberges. Puis des lumignons à l'huile : un ressouvenir, un coin de treizième siècle qui subsiste, tout un poème vieillot quel des mains sacrilèges détruiront vers par vers, maison par maison, pour construire à la place des églises d'architecture douteuse et laide, qui alourdiront ce paysage gothique de leur silhouette encombrante.
Et la Fontaine-à-Mulard disparaîtra et s’en ira où s'en sont allés les derniers vestiges des siècles disparus.
G. B.
A lire également