Le Cabaret du Pot-d ’Étain
La Patrie — 14 juillet 1864
On va démolir, l’expropriation le veut, le cabaret du Pot-d’Étain.
Situé à proximité de la barrière de Fontainebleau, le cabaret du Pot-d’Étain est le rendez-vous de ces chercheurs nocturnes qui, dans leurs investigations, rencontrent rarement la fortune. Dans les rangs de ces estimables prolétaires, qui le croirait ? l’aristocratie a trouvé moyen de se glisser.

Suivant leur mise, leur fortune, la spécialité adoptée par eux, les chiffonniers sont partagés en trois catégories. Dans la première, raconte le Nain Jaune, se rangent ceux qui possèdent un hoteriot en bon état, un crochet au manche propre et au fer luisant ; ce sont les aristos. Ceux de la seconde classe n’ont qu’un mannequin plus ou moins présentable. Dans la dernière catégorie sont placés les individus propriétaires seulement d’une vieille serpillière dans laquelle ils fourrent tout ce qu’ils trouvent.
Entre les trois classes ont été partagées, par une convention solennellement jurée, charte du mannequin et du crochet, les immondices de Paris, par quartiers et par rues. Aucun artiste au crochet n’oserait toucher au tas d’ordures qui, d’après cette loi, est dévolu à un de ses confrères.
Cette distinction, qui préside aux rapports des chiffonniers entre eux, n’existe pas seulement dans l’exercice de leur fonction, elle les suit au Pot-d’Étain. Aux membres de la première catégorie est réservée la pièce la moins sale. Ils l’ont nommée la Chambre des pairs, et ce nom, inscrit au-dessus de la porte d’entrée, y est resté malgré les changements de gouvernement.
Les porteurs du mannequin se sont emparés d'une autre pièce qu’ils ont appelée la Chambre des députés.
À la troisième classe est restée la salle la plus infime, ainsi désignée : Salon des vrais prolétaires.
Une étiquette rigide, minutieuse, invariable, règne dans les réunions. Un membre d’une des trois classes ne se hasarderait pas à entrer dans la pièce réservée à une autre catégorie. Le règlement fulmine contre l'audacieux qui, sans y être appelé, pénètrerait dans le sanctuaire.
À l’entrée de chaque salle sont rangés les hoteriots, les mannequins et les serpillères ; les crochets ont aussi leur place.
Le liquide décoré du nom de vin est servi dans un pot de terre qu’on nomme le petit père noir ; il est extrait d’un broc omnibus auquel on donne le nom de moricaud.
La valeur de chacun des mets est exigée d’avance ; les assiettes en étain sont retenues à la table par des chaînettes. Pour les couverts, les pots, les verres et les brocs, une garantie pécuniaire doit être préalablement déposée. En venant rendre ces objets, les consommateurs boivent souvent au comptoir jusqu’à concurrence du nantissent.
Le comptoir seul est exempt du rigoriste de l’étiquette. Les membres des trois classes peuvent y fraterniser.
Cabarets, bouges et assommoirs
Cabarets modernes ayant cessé d’exister (1890)
Cabarets existant (1891)
- L’Assommoir des Deux-Moulins
- Le Bois tordu du boulevard de la Gare / Les Deux Moulins du boulevard de l’Hôpital
Autres lieux
Chiffons et chiffonniers dans le 13e
Les lieux
- La Cité Doré par Alexandre Privât d'Anglemont (1854)
- Le Cabaret du Pot-d’Étain (1864)
- La villa des chiffonniers (1897)
La "Cité Tolbiac"
L'expression "Cité Tolbiac" est apparue dans la presse uniquement en août 1898. L'entrée de cette cité était peut-être située dans l'impasse Sainte-Marie, voie de 35 mètres sur 4 débouchant dans la rue de Tolbiac (impasse Tolbiac avant 1877).
- Les concierges des chiffonniers (Le Petit Journal — 5 août 1898)
- La Cité Tolbiac (La Patrie — 16 août 1898)
- La cité Tolbiac (Le Figaro — 16 août 1898)
- L'Exode des « Biffins » (Gil Blas — 16 août 1898)
- Le monde de la hotte (Le Gaulois — 20 août 1898)
Les gens
- Chiffons et chiffonniers (1872)
- Les chiffonniers de la Butte-aux-Cailles (1875)
- Portrait d'un chiffonnier de la Butte-aux-Cailles (extrait du précédant - 1877)
Dans la littérature
