Un jour dans le 13e



Une usine explose

Nombreux morts et blessés

Le Petit-Parisien — 21 octobre 1915

Une série d'effroyables explosions retentissaient, hier, vers deux heures et demie de l'après-midi, rue de Tolbiac, dans le quartier de la Maison-Blanche. A plus de deux cents mètres à la ronde vitres, glaces, portes, panneaux et même cloisons volaient en éclats.

Le Petit-Parisien 21 octobre 1915

Dans toutes les voies, proches du croisement des rues Bobillot et de Tolbiac, les passants et les locataires des immeubles étaient renversés, pendant que s'abattait, autour d'eux, une pluie de fragments d'acier, de décombres, de branches arrachées (une ligne censurée) *

Une usine venait de sauter. Il était exactement deux heures vingt et une minutes quand la première explosion se produisit. Voici ce qui venait de se passer :

Au numéro 174 de la rue de Tolbiac était située l'usine Billant, représentant un ensemble de bâtiments légers, qui occupaient un vaste espace de 600 mètres, compris entre cette rue et la place Paul-Verlaine.

On procédait à l'installation, sur un camion automobile qui devait les emporter, de caisses prêtes à être expédiées, lorsqu'une d'elles explosa, occasionnant ainsi la déflagration de tous les engins emmagasinés.

Les deux explosions se produisirent presque simultanément, ce qui fit que les personnes un peu éloignées du lieu de l'accident ne perçurent qu'une seule et formidable commotion.

Une seconde série de détonations, moins fortes, suivit quelques minutes plus tard.

Un nuage de fumée s'élevait aussitôt de l'usine, enveloppant les immeubles voisins et rendant les premières opérations de sauvetage très difficiles.

M. Delanglade, commissaire du quartier. dont les bureaux sont voisins de l'établissement Billant, se trouvait fort heureusement, ainsi que son secrétaire, M Dubié, dans les dépendances de son commissariat. Tous deux eussent tout au moins été sérieusement blessés s'ils s'étaient trouvés dans leur cabinet, qui fut bouleversé et sur les murs duquel on trouva, incrustés, de nombreux morceaux de métal.

Les magistrats se rendirent de suite sur les lieux.

La fumée se dissipant peu à peu, on put se rendre compte de l'étendue du sinistre. Les bâtiments de la fabrique étaient sapés au ras du sol: les décombres flambaient, tandis que s'en échappaient d'épouvantables clameurs.

Un petit bâtiment en planches, occupant le numéro de la même rue, qui s'était enflammé, ne tarda pas à être réduit en cendres.

Les maisons du voisinage avaient eu leurs huisseries et même leurs volets de fer arrachés. Les lourds poteaux de fonte soutenant les trolleys du tramway étaient renversés ou fragmentés, les arbres décapités et en partie calcinés.

Des amas de décombres jonchaient la chaussée.

Bientôt après arrivaient des détachements de pompiers de nombreuses casernes commandés par le colonel Cordier (5 lignes censurées)

Ils avaient été précédés de M. Guillaume, commissaire divisionnaire ; de son inspecteur principal, M. Berraz, et de M. Boulanger, officier de paix. Ils furent bientôt secondés par tous les commissaires et officiers de paix du quatrième district.

Le sauvetage

Les opérations de sauvetage s'organisèrent, en même temps que des barrages rigoureux maintenaient à distance la foule immense qui accourait de toutes parts.

On attaqua vigoureusement l’incendie pendant que des engins épars continuaient à éclater. Aucun des sauveteurs, fort heureusement, ne fut blessé.

Bientôt, ils retiraient des décombres des corps dans un état horrible, déchiquetés, carbonisés, qui avaient été ceux d'hommes, de femmes, de jeunes filles. Parfois aussi ils découvraient des membres — des têtes, des ossements.

(Deux lignes censurées)

Ces restes lugubres furent transportés dans une salle de cinématographe de la rue Martin-Bernard, où ils furent disposés et. examinés à fin d'identification.

Pendant ce temps, des voitures d'ambulances emmenaient les blessés, dont le nombre dépassait la quarantaine, vers les hôpitaux Cochin et de la Pitié et vers les diverses installations de la Croix-Rouge. Quelques-uns purent fort heureusement regagner leur domicile après avoir reçu les premiers soins. Mais d'autres se trouvaient dans un état désespéré.

Pendant que l'on déblayait les ruines de l'usine arrivaient successivement M. Poincaré, Président de la République, accompagné du général Clergerie ; M. Albert Thomas, sous-secrétaire d'État des Munitions ; M. Malvy, ministre de l'Intérieur ; M. Laurent, préfet de police ; MM. Denys Cochin, député ; Monier, procureur de la République ; Adrien Mithouard et Lemarchand, président et vice-président du conseil municipal ; Henri Roussel, Varenne et Rebeillard, conseillers municipaux; Mouton, directeur de la police judiciaire ; Chanot et Guichard, respectivement directeur et directeur adjoint de la police municipale, etc. À cinq heures et demie, tout danger était écarté. Les pompiers arrosaient les décombres.

Les opérations de déblaiement commencèrent à la lueur des torches. Elles se poursuivront toute la nuit et occuperont, vraisemblablement, encore une partie de la journée d'aujourd'hui. Il sera, en outre, nécessaire de procéder à la réparation de la ligne de tramways porte de Vincennes-porte de Saint-Cloud dont la circulation est interrompue.


(*) Lorsque la censure s'exercait sur les textes, ceux-ci n'était ni réécrits ni recomposés. Un espace blanc subsistait à la place du texte supprimé. (NdE)

La catastrophe de la rue de Tolbiac - 20 octobre 1915


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L'accident du 23 juillet 1915

Saviez-vous que... ?

La rue du Banquier, ancienne rue, doit son nom au banquier Patouillet qui avait déjà donné son nom au territoire compris entre la rive droite de la Bièvre et les terres de St-Marcel sur le chemin d'Ivry. (Clos Patouillet.)

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Paris comptait 140 cités ou villas en 1865. Parmi celle-ci la cité Doré "formée de murailles en plâtras, en planches, occupée par les chiffonniers les plus pauvres du 13eme arrondissement" selon le guide de M. Joanne.

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A l'école Estienne, en 1896, l'enseignement y est gratuit ; la cantine scolaire, qui fournit aux enfants le déjeuner et le goûter, est également gratuite pour les élèves habitant Paris. Les élèves de la banlieue peuvent apporter leur déjeuner ; ils peuvent aussi prendre leur repas à la cantine, sauf à payer une rémunération fixée par le règlement intérieur.

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La municipalité parisienne inaugurait, le 26 juin 1936, le passage souterrain qui, sous le boulevard militaire, reliait le boulevard Masséna et le boulevard Kellermann, sous la porte d'Italie, de manière que les courants de circulation en sens opposé ne se contrarient pas.
M. Romazzotti, secrétaire du Conseil municipal, entouré de MM. Villey, préfet de la Seine ; Louis Gélis, député, conseiller municipal ; Gïraud, directeur général des travaux, coupa le ruban symbolique et franchit avec eux la nouvelle voie souterraine.

L'image du jour

Panorama vers l'ouest sur la rue de Tolbiac

La vue est prise depuis un des clochers de l'église Saint-Anne. La première rue à droite est la rue Martin-Bernard.