Promenades

 Sur la Butte-aux Cailles - 1925

Paysages parisiens

Sur la Butte-aux Cailles

Le Petit-Journal — 7 novembre 1925

La Butte-aux-Cailles, un joli nom pour des chasseurs... Et, sur les flancs de cette butte : la rue du Moulin-des-Prés, la rue des Moulinets, la rue des Peupliers, appellations capables d'attirer les amoureux de la campagne. Tout cela, c'est du Paris de la rive gauche, assez mal connu et qui perd sans relâche, depuis des années, son caractère champêtre d'autrefois.

La Butte-aux-Cailles est une de ces collines parisiennes, aussi nombreuses mais moins fameuses que les sept collines de Rome, qui ne connut jamais, même de très loin, le succès de Montmartre. Elle n'est point pour cela indifférente. Je vous y conduirai aujourd'hui, si vous le voulez bien.

C'est la dépression où coule la Bièvre, affluent de la Seine dans Paris même, qui fait saillir le caractère de la Butte-aux-Cailles que la petite rivière contourne dès-son entrée dans la capitale.

La place Paul Verlaine vers 1910.

En venant du centre, l'avenue des Gobelins, qui monte vers la place d'Italie, et la rue Bobillot nous y conduiront. Nous voici, à la place Paul-Verlaine, sur le plateau de la butte, au carrefour d'une série de voies dont l'une fixe l'ancien lieudit et s'appelle rue de la Butte-aux-Cailles. La place qui glorifie le plus poétique des poètes modernes n'a rien d'ancien.

La Butte-aux-Cailles n'était autrefois qu'une campagne avec des fermes et des moulins ; peu d'années avant la grande guerre, des prés verdissaient encore son flanc ouest ; la place qui couronne à peu près cette éminence, n'est que depuis peu un centre de population. Il; convenait donc qu'un poète d'hier fût son parrain. Et il y a, tout à côté, au 47 de la rue Bobillot, un certain « Verlaine-Bar » qui n'eut pas déplu sans doute au pauvre Verlaine assoiffé.

La rue de la Butte aux Cailles vue de la rue Bobillot. A gauche, on enytrevoit la place Paul Verlaine.

Sur la place, la Ville de Paris utilisant les eaux tièdes que procurait un puits artésien, a construit en 1924 un établissement balnéaire qui renferme une magnifique piscine et qui fait honneur à l'architecte Louis Bonnier. J'y ai vu, un soir, une belle réunion de nageuses où triomphèrent ces filles de Tourcoing qui sont les meilleures ondines de France. Un autre architecte a heureusement réussi la récente église paroissiale de Sainte-Anne de la Maison-Blanche en bordure de la rue Bobillot.

Et tout le terrain du voisinage mérite, certes, qu'on le parcoure. Vous verrez ainsi la petite rue de Pouy, qui aboutit à la rue de la Butte-aux-Cailles et dont la chaussée entre les maisons basses n'est faite que de terre sans revêtement, comme la route qui traverse un village.

Par la rue du Moulin-des-Prés, où persiste encore un jardin-verger accroché au flanc de la colline, et par la rue des Peupliers, descendons douce ment vers les fortifications, sous la poterne des Peupliers, tout près de la quelle la Bièvre se glisse dans la grand’ville. En route, voici la place ronde dite des Peupliers — où ne poussent que des platanes. Les peupliers qui sans -doute escortaient la Bièvre ne sont plus qu'un souvenir. Sur cette place point laide et qu'aucune plaque d'émail bleu ne baptise, s'élèvent de récentes et philanthropiques constructions : l'une appartient à la Protection mutuelle des chemins de fer, l'autre est un hôpital-école de la Société française de secours aux blessés militaires.

Sur cette place, regardez aussi de petites maisons particulières, coiffées comme de bonnets de police en ardoises, et pareilles entre elles. Les maisons de la rue Dieulafoy, toute proche, et aussi de la rue du docteur Leray, qui aboutit là, sont de ce même style. Voilà un curieux effort pour uniformiser, et il n'est pas rare dans ce quartier où, dans la partie basse de la rue du Moulin-des-Prés et dans la rue des Peupliers, on retrouve, différentes de celles que nous venons d'évoquer, mais entre elles semblables, toute une série de villas.

La Bièvre canalisée et enfermée après son entrée dans Paris à la Poterne des Peupliers (photo prise vers 1900)

Mais voici la poterne sous les fortifs, ici pas encore rasées. Or, il va falloir les démolir et aménager à cette occasion l'entrée de la Bièvre.

La Bièvre canalisée et enfermée après son entrée dans Paris à la Poterne des Peupliers (photo prise vers 1900)

La petite rivière des tanneurs est provisoirement détournée ici dans un égout et asséchée à l'endroit même où elle atteint le mur des fortifs et va le traverser sous une voûte. On travaille ferme; de bons ouvriers, là, préparent un lit soigneusement adapté au passage qu'il faudra faire sous l'enceinte de pierre abattue et sous les terrains modifiés. Paris ne « bouge » pas ; mais il se remue et se transforme, je vous l'assure...

Louis Paillard.

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Saviez-vous que... ?

Le 19 juillet 1927, le nom de rue de Gentilly fut donné à la rue du Gaz. Le nom de rue de Gentilly avait été, jusqu'en 1899, celui de la rue Abel-Hovelacque d'aujourd'hui. Cette nouvelle rue de Gentilly perdit ensuite son nom au profit de Charles Moureu et d'Albert Bayet.

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Le XIIIème devait initialement porter le numéro 20 lors de l'extension de Paris en 1860. Les protestations des habitants d'Auteuil et de Passy qui, eux, se voyaient attribuer les n°13 associé aux « mariages à la mairie du 13e » autant qu'aux superstitions, eurent raison du projet de numérotation et un nouveau projet aboutit à la nomenclature actuelle.

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La rue de Tolbiac, pour la partie comprise entre la rue de la Glacière et la rue du Château-des-Rentiers, fut appelée initialement rue du Transit lorsque son ouverture fut projetée.

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La rue Fagon est l’ancienne rue de la Barrière des Gobelins. Elle a reçu son nom par arrêté du Préfet de la Seine en date du 26 février 1867. Guy-Crescent Fagon, né le 11 mai 1638 à Paris, où il est mort le 11 mars 1718, fut le premier médecin du roi de 1693 à la mort de Louis XIV. Il développa le Jardin royal des plantes médicinales ou « Jardin du roi », futur Jardin des Plantes.

L'image du jour

rue Nationale - Quartier de la Gare (image colorisée)

La rue Nationale était l'axe majeur du quartier de la Gare. La rue Jeanne d'Arc n'était pas encore transversante et était dédiée à l'industrie. La rue Nationale rassemblait commerces et services. Elle était le centre de l'animation d'une vraie vie de quartier populaire qui fut voué à la destruction par son classement en « ilôt insalubre ».  ♦