Dans la presse...

 Bergèere d'Ivry - Le procès d'Ulbach

Cours d’assises

Affaire du sieur Ulbach, accusé d'assassinat sur la jeune bergère d'Ivry.

Le Constitutionnel — 28 juillet 1827

Cette affaire, dont nous avons rapporté les principales circonstances dans le Constitutionnel, avait attiré aujourd'hui, comme de coutume, une immense affluence de spectateurs, avides de contempler un spectacle qui ne se renouvèle que trop fréquemment.

À dix heures et demie, Ulbach est introduit. C'est un jeune homme de 20 ans, qui paraît à peine en avoir 16. Sa figure est pâle et sans expression ; sa taille est petite, et son corps frêle a quelque chose d'enfantin. Il tient d'abord les veux baissés, et paraît intimidé par l'appareil de la justice ; mais bientôt, devenu plus hardi, il se tourne vers le public.

Aux questions d'usage, il répond d'une voix faible qu'il s'appelle Honoré-François Ulbach, âgé de vingt ans, garçon marchand de vin.

Pendant la lecture de l'acte d'accusation, Ulbach reste constamment immobile, les deux mains appuyées sur-les genoux et le regard stupidement fixé vers la terre.

M. le président Hardouin procède ensuite à son interrogatoire.

D. Vous avez servi chez M. Aury, marchand de vin ? — R. Ouï.

D. Pendant quinze mois ? — R. Oui.

D. Vous avez été enfermé dans la prison de Poissy ? — R. Oui.

D. Plusieurs fois ? — R. Non.

D. Cependant vous y avez été mis le 9 juillet 1824 pour vol ? — R. Non.

D. Mais enfin vous avez été condamné à l'emprisonnement ? — R. C'était en 1822.

D. À cette époque vous avez été condamné pour vol ? — R. Oui.

D. Avez-vous passé tout le temps à Poissy ?— R. Non.

D. Où avez-vous été aussi enfermé ? — R. À Sainte-Pélagie.

D. À quelle époque avez-vous fait la connaissance de la fille Millot ? — R. Il y a un an.

D. Vous l'avez vue chez Aury ? — R. Oui.

M. le président— Répondez de manière à ce que MM. les jurés vous entendent ; tâchez d'élever la voix. Vous avez conçu pour la fille Millot une passion violente ? — R. Oui.

L'accusé, qui paraît préoccupé, ne répond à chaque question que par monosyllabes, et le plus souvent après un moment d'intervalle.

D. N'avez-vous pas parlé de cette passion à Justine Pioche ? — R. Non... ah ! oui.

D. La fille Millot ne vous a-t-elle pas dit qu'il fallait renoncer à la voir ? — R. Non.

M. le président. — Cependant vous l'avez dit dans l'instruction. Il est constant d'ailleurs que la fille Millot vous a renvoyé vos cadeaux. (L'accusé se tait.) Répondez-moi. (Même silence.) Vous ne vous en souvenez pas ? —L'accusé, après avoir réfléchi : Non.

D. Vous aviez conçu une haine violente contre Mme Detrouville ? — R. Non.

D. Cependant cette lettre que vous avez écrite ? (L'accusé ne répond pas.)

D. Vous étiez jaloux d'un jeune homme que vous aviez vu passer avec la fille Millot ? — R. Non.

D. Cependant vous l'avez dit au juge d'instruction ? — L'accusé, après une longue pose : Je ne m'en souviens pas.

D. Pour quel motif avez-vous quitté votre maître ? —R. J'ai eu quelque contrariété avec lui.

D. Ce n'est pas là ce que vous avez dit. Vous avez déclaré d'abord que c'était pour perdre l'occasion de voir la fille Millot ; puis, dans un second interrogatoire, vous avez avoué, que vous étiez sorti de chez votre maître pour exécuter votre fatal dessein ? (L'accusé se tait). Vous ne répondez pas ? — Ulbach : Je ne m'en souviens pas ; ma mémoire n'y est plus.

D. Le jour où la fille Millot a été assassinée, n'avez-vous pas acheté un couteau à un marchand ferrailleur près de l'école polytechnique ? —R. Je crois que oui.

M. le président. — On ne vous entend pas.

Un de MM. les jurés. — Il est impossible d'entendre l'accusé.

M. le président. — Il n'a répondu jusqu'à présent, que par oui et par non. Ulbach, je vous demande si vous n'avez pas acheté un couteau le jour de l'assassinat. Recueillez vos souvenirs., — L'accusé, après un long silence : Oui.

D. Pourquoi ? — R. Pour travailler.

D. Vous avez déclaré positivement dans l'instruction que vous le destiniez à la fille Millot ? — R. M. le juge d'instruction aura mal interprété mes réponses.

M. le président. — Voici vos propres expressions : « J'avoue que c’était pour commettre un crime en cas que la fille Millot persistât dans sa conduite vis-à-vis de moi. Je méditais contre elle des projets de v engeance. » Vous avez ajouté que vous aviez choisi le plus fort dans la crainte qu'il ne rompit ?

Ulbach, après avoir réfléchi. — On aura mal interprété mes paroles.

M. le président. — Le, juge : d'instruction, ne peut pas s'être trompé. Vous avez signé l'interrogatoire.

Ulbach. — Il n'a pas voulu me le laisser lire, et il l'a lu lui-même.

M. le président. —C'est une garantie de plus.

M. le président ordonne à un huissier d'apporter le couteau, Pendant qu'il le tire du morceau de papier dans lequel il est enveloppé, l'accusé promène de sombres regards sur l'assemblée. On lui représente le couteau, en le tenant à une distance assez éloignée ; il déclare le reconnaître.

M. le président. — Voici l'autre, que vous avez trouvé trop faible ; le reconnaissez-vous ? — R. Oui.

D. Vous avez, frappé la fille Aimée Millot ? (L'accusé baisse les yeux et se tait.) Répondez ? — Ulbach, d'une voix éteinte : Oui.

D. Pour quel motif ? — L'accusé, après avoir réfléchi. — Nous avons eu une discussion ensemble.

D. Sur quoi portait cette discussion ? (Pas de réponse.) Dites-nous pour quel motif vous avez frappé ? — Ulbach : Ah ! la discussion était qu'elle me disait que j'étais un ravisseur, que je voulais la tromper. Je croyais qu'elle plaisantait. Oui, me répéta-t-elle, vous me dites que vous m'aimez, mais vous voulez me tromper ; Madame le sait aussi. Moi je lui dis qu'elle était dans l'erreur, que je l'aimais toujours. Elle me repoussa-en me disant que je cherchais à la subtiliser. Alors j'ai frappé.

M. le président. — Vous avez frappé ? — R. Oui.

D. Vous avez porté cinq coups dans la poitrine et dans le dos ? — L'accusé reste immobile et garde le silence. Puis il dit : Je ne m'en souviens pas.

M. le président. —-Vous vous en êtes souvenu cependant dans vos interrogatoires. Vous ayez même dit que vous aviez laissé le couteau dans la plaie. On l'a retiré du corps sanglant de la victime. Vous êtes allé, ensuite chez la femme Champenois, et vous avez dit à Bergeron : Crois-tu qu'un coup, de couteau donné entre les épaules puisse faire mourir ? — R Je ne m'en souviens pas.

D. Vous l'avez dit cependant au juge d'instruction, et même vous avez ajouté, en vous servant d'une expression atroce : J'ai tenu ce propos pour savoir si dans mes trois coups il y en avait un de bon. (L'accusé reste muet.)

M. le président donne lecture d'une lettre écrite par l'accusé au fils de la femme Champenois, le lendemain de l'assassinat. « Mon ami, écrivait-il, le malheur ne m'a jamais abandonné depuis ma naissance... j'étais destiné à porter ma tête sur l'échafaud. Ce moment fatal est arrivé... j'ai tué une fille innocente... La jalousie farouche m'a porté à accomplir ce fatal dessein. J'expie mon crime par mes remords... Je suis anéanti. Je ne puis plus me supporter moi-même. J'attends avec impatience mon arrêt. Ah ! je suis plus à plaindre qu'à blâmer ! Je vous embrasse pour la vie. Ne m'oubliez pas. Ulbach, pour la vie.

P: S. — « Ah ! que le criminel est à plaindre ! Je suis anéanti à tous les regards de tout le monde ! »

M. le président donne ensuite lecture de la lettre menaçante écrite par l'accusé à Mme Detrouville. Nous l'avons rapportée. Pendant cette lecture, Ulbach promène sur l'assemblée des yeux inquiets et menaçants, et parait chercher quelqu'un dans l'auditoire.

M. le président. — Vous ne m'écoutez pas ; que cherchez-vous dans la salle d'audience ? (Ulbach n'écoute ni ne répond, et continue de jeter des regards errants sur l'auditoire). Quelques instants après, il se retourne vers M. le président, et nie avoir voulu se venger contre Mme Detrouville.

M. le président. — Vous vous êtes présenté de vous-même chez le commissaire de police ? Ulbach, d'un ton décidé, — Oui, Monsieur ; j'avais appris qu'un homme avait été arrêté à ma place ; je ne voulais pas qu'on poursuivît inutilement quelqu'un qui n'était pas coupable.

On commence l'audition des témoins. Le premier est la jeune fille Saumon, qui accompagnait Aimée Millot. Elle rapporte naïvement les circonstances du crime, telles qu'elles sont déjà connues.

La maîtresse de la victime, Mme Detrouville, a déclaré qu'Aimée Millot était un excellent sujet, une fille très sage et très modeste. Pendant toute sa déposition, Ulbach a lancé sur elle des regards où se peignait le désir de la vengeance.

M. le président lui demande s'il n'a rien à dire. Ulbach, avec un sourire amer. —Rien.

L'ancien maître de l'accusé a rapporté qu'Ulbach lui avait dit qu'étant jeune il avait été aliéné.

Ulbach, se levant. — Je demande la parole. J'ai déjà dit cela dans l'instruction. Lors de la mort de ma pauvre mère, j'ai perdu la tête et je suis resté quarante jours dans l'aliénation.

Un garçon de M. Aury déclare qu’Ulbach lui a dit plusieurs fois : On ne sait pas ce que Dieu nous garde. Je crois bien que je mourrai sur l'échafaud.

Ulbach, en riant avec ironie. — Je l'ai dit cela, moi !

Le témoin. — Oui, plusieurs fois.

Justine Pioche, domestique, rapporte que quand Ulbach entendait crier des arrêts, il disait : Tenez, voilà comme un jour vous entendrez crier mon jugement !

La déposition d'un autre témoin a révélé un trait digne de remarque. Ulbach, se trouvant un jour possédé de ses sinistres pensées, demanda du papier pour écrire. La veuve Champenois lui ayant donné de la cire rouge, Ulbach la refusa et ne voulut cacheter sa lettre qu'avec de la cire noire.

L'accusation a été énergiquement soutenue par M. l'avocat-général de Broë, et Me Charles Duez a défendu l'accusé.

Après une heure de délibération, le jury a déclaré Ulbach coupable, avec la circonstance aggravante. Il a été condamné à la peine de mort.

M. le président lui déclare qu'il a trois jours pour se pourvoir en cassation.

Ulbach, d'un air décidé. — Je n'en rappelle pas.



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Le Puits artésien de la Butte-aux Cailles

L'achèvement prochain des travaux du puits artésien de la place Hébert est venu nous rappeler un autre puits du même genr dont le forage fut commencé presque à la même époque que celui du puits des hauteurs des Belleville, mais tombé complètement dans l'oubli depuis une vingtaine d'années : nous voulons parler du puits artésien de la Butte-aux-Cailles. (1889)

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Les nouvelles prisons Saint-Lazare et Sainte-Pélagie.

Pour la translation des deux prisons de Saint-Lazare et de Sainte-Pélagie, la commission propose un vaste emplacement de 135,000 mètres situé dans le 13° arrondissement et dont la majeure partie appartient à la ville de Paris. Les deux prisons seraient séparées l'une de l'autre par la rue Nationale et circonscrites par la rue de Tolbiac, le chemin de fer de ceinture, la rue du Château-des-Rentiers, et une rue projetée avec voie d'accès sur l'avenue d'Ivry. (1876)

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Le cabinet de lecture des chiffonniers

Un matin qu'il faisait beau, mon Paris inconnu à la main, mon carnet bourré de notes prises dans Privat d'Anglemont, j'ouvre la portière d'un coupé en jetant au cocher cette adresse : « Barrière des Deux- Moulins, villa des Chiffonniers ! ». (1863)

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Le hameau des Deux-Moulins

Le hameau des Deux-Moulins, qui forme une section de la commune d'Ivry-sur-Seine, va recevoir, par les soins de l'administration de cette commune, de notables améliorations commandées par l'accroissement que la population a prise dans cette localité depuis quelques années. (1853)

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Enceinte continue – rive gauche

Cette partie de l’enceinte, beaucoup moins avancée que celle de la rive droite n’aura guère que vingt-huit à trente fronts bastionnés. Elle commence à la dernière maison de la gare d’Ivry et s’en va aboutir à la Seine, un peu au-dessous du pont de Grenelle, vis-à-vis Auteuil. (1841)

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Saviez-vous que... ?

En 1897, il y avait un magasin de porcelaine au 196 de l'avenue de Choisy dans laquelle le cheval du fiacre n°7119 entra le 26 mars…

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Compte tenu d'une croissance importante du nombre des décès accidentels dans Paris depuis la fin des années 1870, des postes de secours furent installés dans plusieurs arrondissements dont l'un se situait sur le Quai d'Austerlitz à l'embouchure du canal de la Bièvre. Ces pavillons étaient munis de couvertures, matelas, boites de secours et matériel approprié au sauvetage des noyés.

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La rue Küss honore le dernier maire français de la capitale alsacienne en 1871, année de sa mort, le jour même où les députés de l'Assemblée nationale décidèrent de céder l'Alsace et la Lorraine à l'Allemagne. Émile Küss était un savant physiologiste de la faculté de Strasbourg.

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C'est par un décret impérial du 2 octobre 1865 que le boulevard de Vitry devint la rue de Patay.

L'image du jour

Rue de la Fontaine-à-Mulard