Un éboulement aux fortifications
Le Petit Parisien — 28 janvier 1912
Hier soir, il cinq heures, au moment où les élèves d'une école enfantine passaient boulevard Kellermann, à la hauteur de la rue des Peupliers, un formidable grondement souterrain se fit tout à coup entendre. En même temps, le talus des fortifications se soulevait sous l'irrésistible poussée d'une énorme gerbe d'eau.
Deux secondes plus tard, le parapet des fortifications s'éboulait dans le fossé, sur une longueur de cent mètres environ, entrainant l'aile gauche de la voûte massive qui soutient une partie du boulevard Kellermann. On peut évaluer à trois cents mètres cubes de terre la partie du talus effondrée. Cet accident est dû à la rupture d'une conduite d'eau de 1 m. 10 de diamètre. L'élément liquide eut vite fait de remplir les fossés extra muros, profonds de trois mètres, en même temps qu'une trombe descendait, de l'autre côté, les pentes du raidillon donnant accès rue des Peupliers et se déversait dans la Bièvre.
La rue des Peupliers fut inondée et les bureaux de l'octroi, à la poterne voisine, se trouvaient submergés.
Le service des eaux, immédiatement prévenu, fît barrer le boulevard et fermer les vannes des conduites. Cette rupture est due, parait-il, à un coup de bélier.
Ce phénomène se produit lorsqu'on ouvre trop en grand les voies d'accès à l'eau dans les grosses canalisations. Le liquide, arrivant en grande quantité, comprime l'air contenu dans le tuyau qui, finalement, éclate. On dit aussi que les conduites d'eau étant enfouies dans les terres rapportées avec lesquelles fut comblée, en cet endroit, la vallée de la Bièvre. ne peuvent supporter le tassement de ces terrains sans consistance.
C'est, en effet, la deuxième fois que pareil fait se produit à la poterne des Peupliers et, il y a six mois, le boulevard Kellermann fut endommagé sur une longueur de quatre cents mètres.

Les grandes eaux du boulevard Kellermann
Les premières conduites maitresses de distribution d'eau dans Paris furent posées boulevard
Kellermann à partir de 1882. Jusqu'à la construction du tramway T3 qui impliquait d'écarter tout risque à leur égard,
ces conduites firent régulièrement parler d'elles dans la presse. Les accidents furent innombrables. Le premier accident
d'importance repéré eut lieu le 12 octobre 1886 à proximité de la rue du Moulin-de-la-Pointe.. Il fut suivi d'un
autre fin mai de l'année suivante à la porte de Gentilly.
Des exemples significatifs de ces accidents sont réunis
ici.
1901
1903
1905
1911
- Rue des Peupliers, une trombe d'eau dévaste tout sur son passage (Le Journal, 8 avril 1911)
- Une conduite d’eau a éclaté boulevard Kellermann causant une véritable inondation (Le Petit-Journal, 5 mai 1911)
1912
- Les fortifications s'effondrent sur plus de cent mètres (Le Journal, 28 janvier 1912)
- Une inondation boulevard Kellermann (Le Figaro, 28 janvier 1912)
- Un éboulement aux fortifications ( Le Petit-Parisien,28 janvier 1912)
- L'Accident de la Poterne des Peupliers a fait 300,000 francs de dégâts (Le Journal, 29 janvier 1912)
1925
- Une conduite d'eau crève boulevard Kellermann (Excelsior, 10 janvier 1925)
- Les petits malheurs du boulevard Kellermann (L’Intransigeant, 12 janvier 1925)