Le Puits artésien de la Butte-aux Cailles
Le Figaro — 12 septembre 1889
L'achèvement prochain des travaux du puits artésien de la place Hébert est venu nous rappeler un autre puits du même genr dont le forage fut commencé presque à la même époque que celui du puits des hauteurs des Belleville, mais tombé complètement dans l'oubli depuis une vingtaine d'années : nous voulons parler du puits artésien de la Butte-aux-Cailles.
La Butte-aux-Cailles est au bout du monde pour les Parisiens. Pour y arriver, ne faut-il pas traverser un fleuve : la Seine, et ensuite une rivière : la Bièvre ?
C'est sur la rive droite de cette rivière, tout en haut de la rue du Moulin-des-Près, que se trouve un vaste terrain isolé et accidenté, propriété de la Ville de Paris, et au sommet duquel fut commencé, en 1866, sous la direction de M. Belgrand le forage du puits dont nous parlons.
Après le puits de Grenelle et celui de Passy, les travaux de la place Hébert et ceux de la Butte-aux-Cailles furent les deux premières entreprises que l'on, fit pour le forage à grand diamètre des puits artésiens.
En 1869, après trois années de travail, la puits de la- Butte-aux-Cailles atteignait une profondeur de 452 mètres., La guerre de. 1870 et les évènements qui la suivirent vinrent tout interrompre. Repris vers le milieu de l'année 1871, les travaux furent continués jusqu'en mai 1873, époque où, à. la suite de quelques difficultés avec- l'entrepreneur, on dut définitivement fermer le chantier.
Le forage du puits de la Butte-aux-Cailles n'en est pas-moins resté en bonne voie. On l'a laissé à une profondeur de près de 500 mètres. Le matériel, machines à vapeur et outils divers, est resté en place, abrité par une énorme construction en planches qui atteint plus de 15 mètres de hauteur. Une somme d'un million de francs a déjà été dépensée dans cette entreprise.
Le mois dernier, la direction des eaux a fait enlever deux trépans qui ont servi au forage de ce puits pour les faire figurer dans l'exposition de la Ville de Paris (section des eaux) au Champ-de-Mars. Le puits artésien de la Butte-aux-Cailles sera-t-il terminé ? La question est à l'étude. Le projet de l'administration comporte la création d'un square au milieu duquel s'élèverait, au-dessus du puits, un château d’eau qui permettrait d'alimenter une partie du quartier de la Glacière.
La mémoire concernant le puits artésien commence à se perdre. Le journal avance 1866 pour le début des travaux au lieu de 1863. Cette erreur sera même reprise lors de l'inauguration du puits au siècle suivant; (NdE)
Sur le puits artésien de la Butte-aux-Cailles
Les travaux de creusement du puits artésien de la Butte-aux-Cailles durèrent globalement près de 40 ans dont 20 durant lesquels ils furent totalement à l'arrêt. Les travaux proprement dits commencèrent en avril 1863 et rencontrèrent de multiples difficultés qui ne permirent pas d'avancer significativement. La Commune de Paris n'épargna pas le puits et les communards incendièrent les installations. Après la Commune, les travaux reprirent mais s'interrompirent dès 1872 ou 1873 faute pour la ville de trouver un accord financier avec l'entrepreneur pour les travaux restant à accomplir mais aussi dans l'attente des résultats définitifs du creusement d'un autre puits artésien, place Hébert.
Première époque (1863-1872)
- Des nouvelle du puits artésien de la Butte-aux-Cailles (Le Siècle - 26 avril 1864)
- Le puits artésien de la Butte aux Cailles (Le Siècle - 27 aout 1865)
- Le puits artésien de la Butte aux Cailles (Le Journal des débats politiques et littéraires ― 18 septembre 1868)
Deuxième époque : le puits oublié (1872-1892)
Une fois les travaux interrompu, le puits artésien de la Butte-aux-Cailles tombe dans l'oubli.
Il faut dire que sa nécessité n'est plus évidente. Paris avait fait face à ses besoins en eaux et l'idée de base du
puits, avoir un jaillissement d'eau en un point haut de la capitale, n'est plus la seule réponse aux problèmes d'alimentation
en eau.
En 1889, le journal Le Figaro pose la question du devenir du puits sans susciter d'écho. En janvier 1892, c'est
le quotidien le Soleil, sous la signature de Marcel Briard, qui pose à nouveau la question mais cette fois,
une réaction semble s'enclencher.
Ernest Rousselle, conseiller municipal du quartier Maison-Blanche, se saisit de l'affaire et finallement, en juillet
1892, le préfet de la Seine décide de relancer les travaux et présente au conseil municipal de Paris un mémoire tendant
à la reprise des travaux interrompus depuis près de 20 ans.
- Le puits artésien de la Butte aux Cailles (Le Figaro - 12 septembre 1889)
- Le puits de la Butte aux Cailles (Le Soleil - 8 janvier 1892)
Troisième époque : reprise des travaux et l'inauguration du puits (1893-1904)
Les travaux reprirent donc début 1893 et dans les premiers jours d'août 1897, l'eau tant recherchée,
enfin, jaillit. Cependant, l'histoire n'était pas terminée car ce n'est pas encore la nappe d'eau visée par les géologues
qui a été atteinte. Il faut encore creuser. La presse se montre de plus en plus critique ou sacarstique à l'égard du
chantier car il est clair que le puits artésien, 35 ans après son lancement, ne répond plus à aucune nécessité. Tout
au plus, sont évoqués un usage pour améliorer le flux des égouts voire l'idée d'une piscine gratuite pour les habitants
du quartier.
Le 16 septembre 1898, la nappe recherchée est atteinte. Les espoirs sont vite déçus, le débit s'avère faible mais suffisant
pour la piscine projetée. En attendant, l'eau, à 28°, s'écoulait dans une vasque à disposition des parisiens à raison
de 600 litres à la minute avant d'aller se perdre dans les égouts. Le puisatier mourut. Deux ans après, sous la direction
du fils du puisatier, on se remit à creuser. Le 19 novembre 1903, une nouvelle nappe était atteinte à la cote 582,40
mètres. Cette fois, on décida d'arrêter les frais. L'inauguration officielle du puits eu lieu le jeudi 7 avril 1904
à 2 heures.
- Reprise des travaux à la Butte-aux-Cailles (Le Soleil - 19 janvier 1893)
- Un travail cyclopéen (Le Soleil - 27 janvier 1896)
- Le puits artésien de la Butte aux Cailles (Le Temps - 11 août 1897)
- Un travail cyclopéen (2) (Le Soleil - 24 août 1897)
- 1898, les travaux ne sont toujours pas terminés (Le Monde illustré – 1er octobre 1898)
- Le puits artésien de la Butte aux Cailles (Le Petit-Parisien - 22 octobre 1898)
- Pour prendre un bain (Le Temps - 24 juillet 1901)
- Un puits artésien (Le Français — 24 septembre 1902)
- Les eaux thermales de la Butte-aux-Cailles. (La Presse — 23 novembre 1903)
- Le puits artésien de la Butte aux Cailles (Le Petit-Journal - 22 décembre 1903)
- Inauguration - Discours de M. de Pontich, directeur administratif des Travaux de Paris, représentant le préfet de la Seine
- Inauguration - Discours de M. Henri Rousselle, conseiller municipal du quartier de la Maison-Blanche
- A propos de l'inauguration du puits artésien de la Butte-aux-Cailles (Le Voleur — 24 avril 1904)