Sur la Bièvre...

 La Bièvre - La Petite République 1904

La Bièvre

La Petite République — 3 août 1904

Plaintes des riverains. — Causes de contamination de la rivière. — Travaux â entreprendre.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que les eaux de la Bièvre, dans leur traversée parisienne, « offensent au moins autant l’œil que l'odorat », pour en finir avec les récriminations des riverains, l’administration de la Ville a dû prendre une détermination radicale, seule solution pratique en l’espèce, qu’aucun curage, si répété qu’il fût, ne parvenait à donner : nous voulons parler de la couverture de la Bièvre, opération en cours d’exécution depuis quelques années, par crédits annuels peu excessifs Celle-ci est en fin d'exécution ; il ne reste plus à l’air libre que les biefs suivants :

La Bièvre avant son passage sous le boulevard Arago

Dans le 5e arrondissements, celui de Pascal ; dans le 13e arrondissement : ceux des Gobetins, des Cordelières, de la Glacière et Lartas.

Le bief Pascal suit la rue de ce nom ; celui les Gobelins est mitoyen à la manufacture. Le bief des Cordelières, le plus long, s’étend de la rue Corvisart au boulevard Port-Roval ; ceux de la Glacière et Lartas, qui ne représentent à eux deux qu'une longueur de cent vingt mètres, courent au sud du boulevard d'Italie.

Les couvertures de ces différentes parties à l’air libre de la Bièvre seront toutes terminées en un temps peu long, vers la fin de la présente année ou au commencement de 1905.

*
*     *

Le pittoresque perd, certes, à la main mise par les ingénieurs de la Ville sur la petite rivière ; mais l’hygiène y gagne. Les veux et l'odorat étaient si sensiblement affectés par l’aspect « cadavérique » des eaux de la Bièvre et leurs émanations putrides, qu'en vérité la poésie du paysage s’estompait largement.

Balzac lui-même, qui a fait une description si belle et vraie de la boucle de la Bièvre, à son entrée boulevard d'Italie, dans je ne sais plus quel de ses romans, l'Envers de l'Histoire contemporaine, je crois, n’oserait, aujourd'hui, protester contre le plafonnement qui, à jamais, cache les coins putrides du ruisseau aux regards parisiens.

Les industries nombreuses acclimatées sur ses bords avaient si bien dénaturé l’eau de la Bièvre parisienne, que nulle comparaison ne pouvait être établie entre ces dernières et celles des égouts de la grande Ville, l’avantage restant aux eaux d'égout.

Et ce n’est pas de nos jours seulement que les récriminations se sont fait entendre. Dès le dix-huitième siècle, elles ont donné lieu à des rapports et études nombreuses, continués au dix-neuvième siècle, pour aboutir enfin à la solution actuelle.

*
*     *

Pour ne parler que du siècle dernier, nous relevons un mémoire de Parent-Duchatelet et de Payet de Courtleille, en 1822 — un rapport au conseil d’administration du Conseil général de la Seine, en 1847. — une pétition au préfet de la Seine, en 1852.

Différents travaux, dans ce même siècle, avaient été exécutés — sans résultats appréciables.

En 1833, transformation en égout de 350 mètres de la rue du Pont-aux-Biches (partie actuelle de la rue de la Clef), et rue du Fer à Moulin ; un égout de 1,500 mètres, entre les rues de Lourcine, Censier et Buffon. De plus, la rivière avait été voûtée sur une largeur de trois mètres, entre le boulevard de l’Hôpital et l'embouchure de la Bièvre.

En 1835, a lieu un curage ; en 1841, des travaux de canalisation sont effectués ; en 1846, on cherche à améliorer le cours d’eau.

Tout cela ne donna aucun des résultats cherchés, si bien que les émanations putrides, provoquées plus largement chaque année par l’augmentation du trafic industriel, provoquèrent une recrudescence de récriminations.

Au surplus, en certaines parties de la rivière, les riverains ne se gênaient guère pour ajouter à l’état lamentable de choses ; en amont du pont du boulevard d’Italie, en la boucle de la Bièvre, ils pratiquaient des saignées, sous prétexte d’arrosage de terrains maraîchers, saignées qui avaient pour résultat de transformer la plaine, au delà de la rue des Peupliers, en un marais, fort agréable aux patineurs, en hiver, mais très peu hygiénique à l’époque des fortes chaleurs estivales.

*
*     *

Aujourd'hui, la Bièvre a vécu ; sa suppression totale est décidée. Incessamment, ses eaux, à leur entrée à Paris, s'écouleront dans des collecteurs, construits depuis longtemps à cet effet, et se mélangeront aux eaux d’égout de la capitale, pour aller se perdre dans les champs d’épandage.

Quant au vieux lit, il sera remblayé par parties, ou converti, en les autres, en égouts secondaires.

P. D.

La mémoire de l'auteur de l'article est défaillante : c'est dans La Femme de Trente Ans qu'Honoré de Balzac trace une description de la Bièvre dans le quartier Croulebarbe (NdE)

Lire un extrait de La femme de trente ans ici.

Sur la Bièvre ...

La Bièvre à Paris

Gazette nationale ou le Moniteur universel (8 avril 1855)

Ce qu'il faut savoir sur la Bièvre

Dictionnaire de la conversation et de la lecture : inventaire raisonné des notions générales les plus indispensables à tous (1859)

Paris qui s'en va

A. Hermant (1865)

Les égouts et la Bièvre !

Le Siècle (14 janvier 1867)

La canalisation de la Bièvre !

Le Siècle (30 mars 1867)

La Bièvre — Un enfant asphyxié !

Le Droit (6 avril 1871)

Les eaux de la Bièvre !

Le Temps (7 décembre 1875)

La Bièvre

Charles Frémine (Illust. Auguste Lançon) (1876)

La Bièvre

Gazette Nationale ou le Moniteur universel (1877)

Le canal latéral de la Bièvre

Le Petit-Journal (1878)

Les berges de la Bièvre

Le Siècle (1878)

La Bièvre (in Croquis parisiens)

J.K. Huysmans (1880)

Pauvre Bièvre !

Le Rappel (1883)

L'empoisonnement de Paris

Le Petit-Parisien (1884)

La Bièvre

J.K. Huysmans (1886)

La Bièvre

Lucien Victior-Meunier (Le Rappel - 1887)

La Bièvre

Le Petit-Journal 22 septembre 1887)

La Bièvre

L'Intrangisant (1890)

La Bièvre

Alfred Ernst (1890)

Aux bords de la Bièvre

Rodolphe Darzens (1892)

La disparition de la Bièvre

Le Journal des débats politiques et littéraires (1893)

Le curage de la Bièvre

Le Soleil (1894)

La disparition de la Bièvre

Le Petit-Journal (1894)

La Bièvre

L'Intransigeant (1895)

La Bièvre

G. Lenotre (1896)

La Bièvre déborde

Pierre Véron (1897)

La Bièvre

Louis Sauty (1898)

Au bord du passé

Henri Céard (1898)

La Bièvre et ses bords

Le Figaro (1899)

Paris sur la Bièvre

Henri Céard (1900)

La Bièvre

Gustave Coquiot (1900)

Les colères de la Bièvre

La République française (1er juin 1901)

Le ruisseau malin

La République française (2 juin 1901)

A propos de la Bièvre

Le Temps (9 juin 1901)

La Bièvre (Le vieux Paris)

Paris (1902)

La Bièvre (Paris qui s'en va)

Gustave Coquiot (1903)

La fin d'une rivière

Le Rappel (1904)

La Bièvre

La Petite République (1904)

Le long de la Bièvre

Georges Cain (1905)

Autour de la Bièvre

Georges Cain (1907)

La perdition de la Bièvre

Adrien Mithouard (1906)

La couverture de la Bièvre

A.-J. Derouen (1907)

Le danger de la Bièvre

Le Petit-Journal (1908)

Un voyage à l'île des singes

Raymond Lecuyer (1908)

Le dernier soupir de la Bièvre

F. Robert-Kemp (1909)

La Bièvre

Albert Flament (1911)

La fin de la Bièvre

Léon Gosset (1911)

Pauvres ruisseaux

F. Robert-Kemp (1912)

La rivière perdue (Léo Larguier)

Le Journal des débats politiques et littéraires (1926)

La Bièvre et la fête des fraises (Gustave Dallier)

Le Petit-Journal (1926)

Les fantaisies de la Bièvre

Léon Maillard (1928)

Saviez-vous que... ?

En 1897, il y avait un magasin de porcelaine au 196 de l'avenue de Choisy dans laquelle le cheval du fiacre n°7119 entra le 26 mars…

*
*     *

La rue Henri Pape s'appelait jusqu'en 1897, rue Edmond-Valentin

*
*     *

La Butte-aux-Cailles culmine à 60 mètres au dessus du niveau de la mer tandis que le point le plus haut du reste du quartier Maison Blanche n'est qu'à 53 mètres.

*
*     *

En 1894, la rue des Cornes dans le quartier de la Salpêtrière, prit le nom de Jean-Baptiste Oudry (1686-1755), peintre d'animaux, notamment des chiens de chasse, et graveur, qui fut directeur de la manufacture des Gobelins en 1736.

L'image du jour

Rue de la Fontaine-à-Mulard