Les fantaisies de la Bièvre
À propos des inondations d’Antony
L’Ère nouvelle — 8 mai 1928
Notre rivière de Bièvre vient de se permettre une fantaisie nouvelle : elle a inondé tout le lotissement d'Antony à la hauteur de la station du Pont, non sans avoir manifesté son passage tout le long de son parcours sinueux, depuis les étangs qui alimentent ses sources jusqu'aux contours des côteaux de Bièvre, de Verrières et par ailleurs de Cachan, d’Arcueil dont elle franchit l’aqueduc pour s’arrêter à Gentilly.

Si elle a commis des folies à partir de la Poterne des Peupliers, seuls nos égoutiers pourront le dire. Car la coureuse, n’est plus visible, dans Paris qu’en deux points : à l’impasse de la Photographie et dans les dépendances du Muséum d’histoire naturelle. Au-dessus .et au-dessous, elle circule sous des voûtes obscures qui l’amènent au collecteur du Pont de l’Alma pour aller mourir à Clichy.
Donc, les nouveaux historiens de Paris qui la font se déverser en Seine, à l’approche du Pont d’Austerlitz, n’ont pas vérifié sur place le mouvement de cette riverette.
Ce fut vrai, il y a un siècle, au moment qu’existait le village d’Austerlitz, un lotissement créé par les grognards de la Grande Armée. Hugo en a parlé quelque peu dans Les Misérables.
En ce temps-là, la rivière des Gobelins, par une foule de bras minuscules, morcelait les serres entourant l’Hôpital Général, séjour fortuit de Manon Lescaut.
Si Bièvre en vieux français signifie Castor, les Gobelins sont simplement les moustiques des mares stagnantes, comme les maringouins sont les êtres bruissants du nouveau marécage parlementaire.
Et tous ces éphémères ont, quand même, une action sur les débordements de la Bièvre.
Voyons ce qu’il en est :
À l’origine du cours d’eau, des étangs. Ces pièces d’eau situées en Seine-et-Oise sont plus ou moins surveillées. Elles baissent de niveau ou elles en élèvent l’altitude. Cela intéresse fort peu de gens et aucunement les pouvoirs du département qui forme un anneau au nôtre.

CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet
Pour Paris, régularisation du cours de cette rivière fantasque et canalisation méthodique. Depuis 1910 grâce à M. Émile Deslandres, conseiller de Croulebarbe, une série de travaux a fait disparaître tous les petits courants sillonnant le 13e arrondisse ment. Par ailleurs, dans la banlieue du Sud, des opérations analogues ont été opérées, notamment à la Croix-de-Berny et à l’ancien Moulin de Cachan. Une proposition récente, décembre 1927, déposée par nos amis Gratien et Deslandres, au Conseil général de la Seine tend à réaliser la couverture de la Bièvre aux abords immédiats de Paris. Tout ceci serait parfait s’il n’y avait l’afflux des étangs de Seine-et-Oise. Il n’apparaît pas qu’une entente indispensable ait été esquissée entre les deux unités administratives. Pourtant, si l’on veut éviter le retour du désastre d’Antony, il faudra bien remonter à la source.
Cette question n’est pas nouvelle.
De grandes inondations furent dues à la Bièvre. Les plus célèbres furent celles de 1479 et du 14 avril 1579. Cette dernière opéra tous ses ravages en moins de trente heures.
Elle dévasta les prairies, déracina les arbres, démolit des maisons dans le faubourg Saint-Marceau et vint baigner les marches de l’autel des Cordeliers, dans leur église.
Comme conséquence, sous le règne de Henri IV, on examina la création d’un canal de dérivation. Il y eut alors deux cours de la Bièvre, distants de quelques pieds seulement et qui auraient dû, en ce temps, confondre le lit de la rivière Vive et de la rivière Morte. Elles cousinèrent pendant deux siècles. Si bien que l’on ne savait laquelle passait dans les jardins de la manufacture royale des Gobelins, au Champ de l’Alouette, au Clos Payen, dans cette cuvette du boulevard du Sud, rue Saint-Hippolyte, aux étangs de la Glacière où se gardait l'été toute la glace alimentaire pour Paris. Même au Pont-aux-Tripes, près de la rue Mouffetard, il y avait deux filets distincts qui s’infiltraient au delà de l’Hôtel Scipion, jusqu’au cimetière de Clamart.
Et sur toute cette étendue chantournée, parmi les saules et les peupliers, s’élevaient plus do cent usines, manufactures et centres d’industrie : maroquineries, tanneries, hongroiries, mégisseries, brasseries, teintureries, moulins à couleurs, échaudoirs, boyauderies, amidonneries, savonneries, cartonneries, papeteries, fonderies de suif et fabriques de chandelles, distilleries d'acides, blanchisseries de toiles, et aussi les cuveaux des blanchisseuses de fin.
Mais oui ! on blanchissait le linge des Parisiens dans cette eau de senteur. Il est vrai que le séchage se faisait sur les piquets des terrains de Croulebarbe ou dans les chantiers de bois, où Delvau, avant que de devenir le secrétaire de Ledru-Rollin, poursuivait les chevaux courant en liberté...
... Seulement, quand la Bièvre se mêle d’entrer en folie nous ne regardons plus que les dommages qu'elle cause. Et nous cherchons comment on doit y remédier pour en empêcher le retour.
Léon Maillard.
Crues, inondations et débordements de la Bièvre
Les colères de la Bièvre (La République française, 1er juin 1901)
Crue de 1665
L'orage du 29 mai 1901
- L'orage (L'Aurore, 30 mai 1901)
- Terrible orage à Paris (Le Petit-Journal, 30 mai 1901)
- Le débordement de la Bièvre (Extrait du précédent s'attachant plus particulièrement aux dégâts survenus dans le secteur de la Glacière autour de la rue Daviel.)
- La crue de la Bièvre (Albéric Darthèze, L'Aurore, 31 mai 1901. L'auteur de l'article évoque les dégâts subis par les habitants du passage Moret.)
- Après l'orage (Le Figaro, 31 mai 1901)