Deux promenades autour du boulevard Saint-Marcel
publiées par Le Journal des débats politiques et littéraires
26 avril 1882
Le boulevard Saint-Marcel prend naissance au boulevard, de l'Hôpital, vis-à-vis la Salpêtrière, et va aboutir en ligne directe à l'avenue des Gobelins, où il se rencontre avec les boulevards Arago et Port-Royal pour former un spacieux rond-point.

Le boulevard a coupé la rue Poliveau qui eut un triste renom il y a quelques années. C'est dans une maison, de cette rue qu'on trouva. En avril 1878, les débris — les jambes et les bras — de la femme Gillet, qui aurait été assassinée le 28 mars rue d'HauteviIle. La tête et le tronc de la victime avaient été expédiés dans une caisse au Mans. Les auteurs du crime, P.-L. Lebiez, étudiant en médecine, et Barré, ancien clerc de notaire, furent exécutés. En ce moment on y construit plusieurs maisons neuves dont le style moderne contraste singulièrement avec les autres habitations contemporaines pour la plupart de Louis XIII.
Dans la rue de la Reine Blanche, on a dû faire disparaître deux ou trois vieilles masures. Dans l'une d'elles, rapporte la Ville de Paris, mourut, en 1872, à l'âge de quatre-vingt-deux ans, un homme très populaire dans !e quartier ou il exerçât depuis près de trente ans son métier de saltimbanque. Il se nommait Fourquel, mais n'était connu que sous le sobriquet de l’homme aux clous, parce que depuis longtemps il se bornait, à cause de son grand âge, à manger des clous qu'il faisait ressortir par le nez. Il travaillait, habituellement au carrefour .de l'Observatoire. Fourquel avait été hercule, clown, homme-canon, etc. Il était propriétaire de la maisonnette ou il est mort.
Les terrains du boulevard Saint-Marcel étaient, il y a deux siècles, une zone tout à fait en dehors de la capitale et l’on y voyait que des champs incultes des fondrières et des carrières de sable.
La Folie Escholar, alors ruinée et abandonnée, se trouvait en cet endroit et c'est là que vint camper, sous Louis XIII, une bande de bohémiens qui excitèrent chez les Parisiens une vive curiosité par l'originalité de leurs costumes et de leurs manières. Cette troupe fut expulsée par la maréchaussée en armes lorsque le seigneur de Barbejon, valet de chambre de Louis XIII, eût obtenu le privilège de la foire aux chevaux qui se trouvait alors sur les fossés des remparts devenus aujourd'hui le boulevard des Capucines.
Sous Louis XV, le marché aux chevaux fut encore déplacé pour être établi près de la Croix de Clamart, voisine de la rue du Jardin-du-Roi, devenue rue Geoffroy-Saint-Hilaire. La croix a disparu, mais il .y a encore la Fontaine de Clamart à proximité du cimetière de ce nom où l'on a pendant longtemps enterré les suppliciés.
Au n°5 de cette rue se trouve une petite maison avec trois ouvertures ogivales que surmonte un cartouche de grande dimension. Un coq et une cigogne sont sculptés au-dessus de la porte d'entrée. C’est dans la salle du premier étage que Buffon faisait ses conférences sur l'histoire naturelle. Maintenant, à cette place, se trouve un commissariat de police.
On se souvient de l'infortuné grillon qui, en 1847, tomba du trapèze de sa montgolfière où il se livrait à des exercices gymnastiques à 300 mètres au-dessus du soi. Il ne succomba pas à cette chute, mais on fut obligé de l'amputer des deux jambes. Grillon s'établit ensuite cordonnier rue du Jura dans une maison qui a été emportée par le tracé du boulevard Saint-Marcel. Grillon avait laissé un fils qui fut tué pendant la dernière guerre au combat de Buzenval.
20 mai 1882
Avant le tracé du boulevard Saint-Marcel et de l'avenue des Gobelins, la rue Collégiale, peu importante d'ailleurs, était enserrée pour ainsi dire au milieu d'un dédale de ruelles étroites et obscures, où il était assez difficile de la trouver. Aujourd'hui qu'elle est voisine d'une avenue et qu'elle a accès à un boulevard, ses conditions se trouvent changées. Aussi la spéculation privée s'en est-elle emparée pour lui faire un peu de toilette et la mettre au niveau des grandes voies qui l'entourent.
Le nom que porte cette rue rappelle l'antenne église collégiale de Saint-Marcel, bâtie au cinquième siècle en l'honneur de ce saint, et autour.de laquelle se forma peu à peu un petit village que l'on appela Mont-Cétard, d’où on fit ensuite Mouffetard. Détruite par les Normands et reconstruite au onzième siècle, il en restait quelques, débris de peu d'importance qui disparurent en 1866.
En 1668, trois voleurs pénétrèrent dans cette église, brisèrent le maître-autel et emportèrent le tabernacle qui était en or massif. Ils furent arrêtés et appliqués à la question, selon les usages du temps. Au milieu de leurs affreux tourments, un des voleurs avoua que les hosties renfermées dans le tabernacle avaient été serrées dans un mouchoir et jetées par-dessus les murailles du couvent du Val-de-Grâce.
Il y eut à ce sujet dans ce monastère une purification solennelle faite avec une pompe extraordinaire, avec le concours de tout le clergé diocésain. Anne d'Autriche et le jeune Louis XIV qui n'était pas encore roi de France, assistaient à cette solennité.
Quant aux trois voleurs, on les fit cuire dans de l'huile bouillante.
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