Dans la cour des miracles
Les habitants du passage Moret vont être « clos et couverts »
Paris-Soir — 25 septembre 1925
Les pauvres et déplorables locataires de la ville de Paris, dans son domaine de l'Ile des Singes, partie dénommée sur la nomenclature le Passage Moret, vont apprendre avec joie que l'inondation de leurs taudis, par en haut, va cesser à bref délai.

Du moins, c'est l'impression très nette que M. Deslandres, le conseiller municipal de Croulebarbe, a emportée de l'étude qu'il avait suscitée, et qui vient d'être menée par les services compétents. Les architectes se sont rendus sur place et ont pu apprécier, au toucher et à la vue, que l'opération, était plus qu'urgente, si l'on voulait éviter l'effondrement total.
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Mais cette opération, si simple en apparence, quant à la réfection, met en œuvre tant de rouages administratifs à la Ville de Paris que les immeubles pourraient s'effondrer avant que le dossier soit parvenu à son centre d'exécution.
En l'espèce, il en va différemment. M. le Préfet de la Seine a pris l'affaire en propres mains. Et, comme il ne s'agit que d'un crédit de dix mille francs, il compte le trouver disponible sous huitaine.
Dans ses dossiers, M. le Préfet de la Seine a trouvé « une espèce » qui, en dehors de sa bienveillance sympathique, l'a orienté pour la solution favorable qui va intervenir.
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Comme chacun sait, dans le jargon juridique, « l'espèce » est une affaire prise en elle-même, qui par ses conséquences juridiques peut déterminer des solutions identiques dans des cas d'analogie.
Or, il existe quelque part dans le Domaine de la Ville, une maison aussi vétusté que les cahutes du passage Moret.
Cette cassine était habitée, bien que dans un état de décrépitude inouïe. Un jour, le locataire en se penchant à sa fenêtre qui, depuis longtemps, n'avait plus de barre d'appui, tomba. Il se tua net. Assignée comme responsable, la Ville transigea. Elle paya soixante mille francs son défaut d’entretien.
La noyade par le toit est aussi condamnable que la chute dans le vide, par la fenêtre, quand c'est le propriétaire qui ne prend pas les précautions réglementaires.
Monsieur le Préfet de la Seine va les faire accomplir.
Les habitants du passage Moret pourront ainsi attendre l'heure bénie où il leur sera accordé un logis neuf, sain, salubre, et à l'abri des inondations comme des autres maux suscités par l'absence de toute hygiène publique et privée.
Sur le passage Moret
L'ilot insalubre
- Les cloaques de Paris : une visite dans le XIIIe (1909)
- Des masures à l’impasse Moret (1911)
- Les mensonges des patrons mégissiers (1911)
- Des Maisons qu’il faut détruire (1911)
- Trois ilots à détruire d'urgence (1923)
- Une nouvelle Cour des Miracles (1925)
La fin du passage Moret
- Les habitants du passage Moret vont être « clos et couverts » (1925)
- L'immeuble du 9 passage Moret vendu à ses locataires (1926)
- L'expulsion des locataires du 11 passage Moret (1926-1927)
- La Ville de Paris est parvenue à faire expulser les locataires (1927)
- Dans le passage Moret où règne la misère (1927)
La Tournée d'Elie Richard (Paris-Soir 1930)
Faits-divers
