Un jour dans le 13e

 paris-treizieme.fr — 29 novembre 1870

29 novembre 1870

Journal des débats politiques et littéraires — 30 novembre 1870

Depuis ce matin une foule considérable se dirigeait du côté des diverses portes du sud de Paris, dans l'espoir d'apprendre plus promptement et plus sûrement des nouvelles sur les engagements qui avaient lieu entre nos troupes et l'ennemi soit à Choisy, soit à L'Hay, soit à Chevilly.

Le théâtre des opérations

Mais c'est surtout vers l'avenue d'Italie que les curieux se portaient : les voitures d'ambulance s'y croisaient sans désemparer. À partir de une heure, depuis l'ancien boulevard extérieur jusqu'aux fortifications, les piétons encombraient les contre-allées et un grand nombre d'entre eux interceptaient même la route aussitôt qu'on signalait le passage soit d'un militaire, soit d'une voiture d'ambulance revenant de l'extérieur.

À 100 mètres en avant des fortifications, un piquet de gardes nationaux sédentaires intercepte la circulation dans les contre-allées. Sur la route, une haie de gardes nationaux s'efforce de maintenir le public afin de laisser un passage libre pour les voitures d'ambulance.

Tous les véhicules possibles ont été réquisitionnés pour le service des ambulances ainsi, nous voyons passer successivement des voitures de place, des carrioles de blanchisseurs, des tapissières, des omnibus appartenant à la Compagnie générale, aux Compagnies de Lyon ou d'Orléans, des énormes voitures servant ordinairement an transport des sucres, des voitures de déménagement.

Tous les quinze ou vingt mètres, des groupes compactes se forment et s'entretiennent des opérations militaires entreprises cette nuit. Quelques individus se prétendent en mesure de fournir des renseignements exacts sur leur exécution ou sur leurs résultats. Comme toujours, ces renseignements deviennent l'objet de discussions plus ou moins vives, mais certainement oiseuses, puisque aucun de ces orateurs en plein vent ne peut apporter de détail positif sur ce qui s'est passé.

L'ardent désir, du reste bien compréhensible, d'apprendre un résultat favorable pour nos armes, fait que la population écoute plus attentivement les personnes qui donnent de bonnes nouvelles. On considère comme des suspects ceux qui s'aventurent à recommander au public de se tenir également en garde contre les exagérations optimistes ou pessimistes.

De temps à autre des voitures viennent chercher des blessés que l'on avait transportés à l'ambulance établie 143, avenue d'Italie

De temps à autre des voitures viennent chercher des blessés que l'on avait transportés à l'ambulance établie 143, avenue d'Italie, pour les conduire dans l'intérieur de Paris.

Pendant l'après-midi, nous avons vu passer une centaine de soldats de la ligne, blessés.

À l’exception d’une dizaine qui paraissaient avoir reçu des blessures graves, ou du moins qui semblaient accablés par la souffrance, la plupart de ces militaires étaient fort légèrement blessés. Ils répondaient sans difficulté aux questions parfois trop pressantes qu'on leur adressait relativement aux bruits qui couraient sur la prise de Choisy et de L’Haÿ par nos troupes ou sur la reprise de ces localités par l'ennemi. Mais dans ces divers récits il était assez difficile de démêler ce qu'il pouvait y avoir d'exact, car, en résumé, on finissait par apprendre que ces blessés avaient été frappés au début de l'engagement leurs dernières nouvelles se rapportaient à huit heures du matin.

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Il est trois heures, l'affluence du public devient plus considérable encore on remarque dans la foule un grand nombre de hauts fonctionnaires, ou une foule de personnes appartenant au monde politique, aux lettres et aux arts, attirés tous par les nouvelles les plus contradictoires qui se sont répandues sur les boulevards et à la Bourse. Nous distinguons MM. J.-J. Weiss, Lambert de Sainte-Croix, Odysse-Barot, Eugène Loudun, Gustave Doré. MM. Blain des Cormiers, Henriquet, juges d'instruction, Vaney et Rossard de Mianville, substituts du procureur de la République.

Les voitures d'ambulance descendent à vide. Les groupes augmentent et se rapprochent.

Si la vérité continue à être difficile à connaître, en revanche les exagérations vont leur train. « Nous avons fait 9,000 prisonniers aux Prussiens ! » dit celui-ci. « Nous avons perdu deux canons, mais nous en avons encloué quarante aux Prussiens », dit un second. — « Vous vous trompez ; un militaire vient de déclarer que l'ennemi avait été obligé d'enclouer lui-même quatre-vingts de ses canons pour nous empêcher de nous en servir » reprend un troisième. « Nous avons Chevilly, L'Hay et Choisy s'écrie un autre. « Mais cela est difficile ! reprend un interlocuteur, car voici deux ouvriers qui ont travaillé avec le génie civil près de Choisy et qui ont vu reprendre Choisy par les Prussiens » « Pardon, hasarde un interrupteur, nos troupes se sont emparées de la gare aux bœufs de Choisy-le-Roi. Je tiens la nouvelle d'un de mes amis ; il fait partie d'un bataillon de la garde nationale qui s'y est installé ce matin. » — « Nous tenons le coteau de Thiais, par conséquent Choisy ne peut manquer d'être pris », suivant un autre. Plusieurs compagnies de francs-tireurs à l'air martial et décidé montent l'avenue d'Italie en chantant, on les accueille par des vivats répétés. Un de leurs capitaines prétend que le gouvernement a reçu d'excellentes nouvelles de l'armée de la Loire.

Bientôt on entend le bruit des clairons et des tambours; on se presse c'est le 55e bataillon de marche de la garde nationale sédentaire qui défile. Chaque homme porte sur le dos ses effets de campement et des munitions pour plusieurs jours.

Le siège de Paris : un bastion

Depuis le matin le bataillon campait dans les plaines de Vitry et s'attendait à faire le coup de feu. Mais il n'a rien vu et n'a pas été engagé. Aucun de ces gardes nationaux ne peut fournir de renseignements sur ce qui s'est passé à Choisy. Ils ont seulement entendu pendant la matinée, au loin, la canonnade et la fusillade.

Ce qu'il y a de certain, c'est que si nos troupes avaient été obligées de se replier, on aurait entendu les canons de nos forts protéger la retraite. Or, depuis midi, les forts du moulin Saquet, de Bicêtre, des Hautes-Bruyères, de Montrouge sont complètement muets.

Il est cinq heures. Nous voyons revenir le 169e et le 249e bataillon de marche de la garde sédentaire. Leur retour est considéré comme un heureux présage ; il semble indiquer que nos troupes sont en nombre suffisant pour garder les positions où elles se trouvent établies. Plusieurs batteries d'artillerie composées de mitrailleuses remontent l'avenue.

Quoique le brouillard tombe et que la nuit commence avenir rapidement, la foule est toujours énorme.

Pendant toute la soirée des groupes nombreux ont stationné dans toutes les grandes voies de communication et sur les boulevards, principalement à côté des kiosques des marchands de journaux. On s'y entretenait toujours, naturellement, des opérations militaires qui ont été commencées aujourd'hui.

P. DAVID.


Saviez-vous que... ?

Le 9 juin 1977, une jeune fille, tout en larmes, déclarait, à huit heures du soir, qu'un enfant venait de tomber dans un puits à découvert, sur un terrain entouré de planches, appartenant à la Ville, et situé rue de Patay et de Tolbiac.
Immédiatement, on prévint les sapeurs-pompiers du poste de la rue du Château-des-Rentiers. Sans perdre un instant, ceux-ci se rendirent au puits fatal. Le caporal y descendit, et en revient avec deux chiens vivants.

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Initialement, l'avenue des Gobelins devait s'appeler Boulevard Mouffetard.

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En 1860, Il y avait un commissariat pour deux quartiers dans chaque arrondissement de Paris. Pour le 13e, ces commissariats étaient installés 36 route d'Italie pour Croulebarbe et la Maison-Blanche et 62 boulevard de l'Hôpital pour les quartiers de la Salpêtrière et de la Gare.

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Le square Robert Bajac situé en face du square Hélène Boucher à la porte d’Italie, honore Robert Jean Paul Bajac, aviateur français, né le 13 décembre 1897 à Paris (9e) et mort le 1er avril 1935 à Gisors (Eure), des suites des blessures reçues lors d'un atterrissage nocturne, près de Gournay-en-Bray (Seine-Maritime)2, alors qu'il inaugurait une liaison postale de nuit entre Paris et Londres.

L'image du jour

Le carrefour Italie-Tolbiac

Avec l'achèvement, au début des annés 1880, de la rue de Tolbiac, section du "boulevard du Transit", ancien nom de la grande voie structurante traversant la rive gauche, la rue militaire longeant les fortifications étant encore impraticable pour une circulation des biens et des personnes, le carrefour Italie/Tolbiac devint le point central du 13e, avec un attrait renforcé par la présence de la "Ville de Strasbourg", seul grand magasin de l'arrondissement, de nombreux commerces et débits de boissons et de la chapelle Bréa, église du quartier. ♦