La Cité des Kroumirs.
Le Temps 1er mars 1882
Nous recevons la lettre suivante :
Paris, le 27 février 1882.
Monsieur le directeur,
Je viens de lire par hasard deux articles récents parus sous forme de chronique dans votre journal, et concernant une prétendue cité des Kroumirs, élevée dans un terrain appartenant à l'administration de l'Assistance publique. Je ne comprends pas pourquoi, dans son récit, votre rédacteur fait jouer à la cité Doré un rôle qui ne lui appartient pas : il affirme que c'est elle qui a dénoncé à la commission des logements insalubres sa prétendue rivale. J'estime qu'il convient de rétablir la vérité des faits.
II est vrai que je possède une cité, qui porte mon nom ; elle a son entrée principale rue Jenner ; elle donne par un passage sur le boulevard de la Gare et forme un quadrilatère de 10,000 mètres superficiels environ un des côtés est bordé par la place Pinel, le second par le boulevard de la Gare, sur une longueur de 220 mètres environ, le troisième par la rue Jenner, et le quatrième par le passage Doré. Ce passage, qui relie la rue Jenner à la place Pinel, est large, pavé et bien éclairé ; il donne accès à une cité qui a une superficie de 3,000 mètres et qui est adossée à mon jardin, dont la jouissance n'est peut-être pas aussi désagréable que paraît le croire votre rédacteur.
Voulez-vous savoir maintenant de quoi se compose la cité Doré ? Elle a trois ou quatre avenues représentant une superficie de 1,200 mètres environ ; le pavé y est entretenu, et votre rédacteur, s'il y avait pénétré, aurait constaté l'existence de ruisseaux qui portent jusqu'à la rue Jenner un écoulement d'eau ne répandant aucune odeur, et provenant d'une concession de, la Ville sise à la porte, de mon jardin. Le soir, l'éclairage se fait par une dizaine d'appareils à gaz et à pétrole, et la police, je vous en réponds, se charge de s'assurer que les mesures de sécurité pour-les passants sont bien prises. Le matin, le balayage est régulièrement opéré et les ordures sont enlevées par un tombereau enfin une douzaine de cabinets d'aisances, adossés à des tonneaux de vidange mobile, empêchent toute odeur nauséabonde de se répandre dans ma cité. Nous sommes bien loin, vous le voyez, de la cité des Kroumirs, et de ce cloaque boueux, immonde, manquant de lumière, dont votre rédacteur a fait un si noir tableau !
La dénonciation à la commission des logements insalubres, si dénonciation il y a, provient tout simplement de la mairie du 13e arrondissement, M. le maire, ainsi que son devoir lui ordonnait, a appelé l'attention de la commission d'hygiène sur la situation anormale de la cité des Kroumirs.
Agréez, etc.
Doré,
Chevalier de la Légion d'Honneur,
ancien fonctionnaire à
l'École polytechnique.
A lire également
L'article du Temps en date du 23 février 1882
La réponse de l'Assistance Publique
Sur la cité Doré
Le récit
Le lieu
- La cité Doré par Alexandre Privât d'Anglemont (1854)
- La Nouvelle Cour des Miracles. - Revue municipale et gazette réunies — 10 septembre 1859
- La Nouvelle Cour des Miracles. - Réponse de M. Doré - Revue municipale et gazette réunies — 1er décembre 1859
- La Nouvelle Cour des Miracles. - Réponse de la Revue municipale et gazette réunies à M. Doré — 10 décembre 1859
- Le cabinet de lecture des chiffonniers par Charles Yriarte (1863)
- Paris Lugubre : la Cité Jeanne-d’Arc et la cité Doré (1879)
- La cité Doré - Journal des débats politiques et littéraires — 22 mai 1882
- La cité Doré par Marcel Edant (Le Petit-Journal - 1887)
- La cité Doré par Jean Soleil (1889)
- Les cabarets de la cité Doré (1890)
- Un coin curieux de Paris (1901)
- La tournée des édiles par Lucien Descaves (1909)
- Trois îlots à détruire d'urgence (1923)