Le crime de la rue Tiers
Arrestation des assassins
Paris — 17 avril 1889
L’enquête ouverte par le chef de la sûreté sur l'assassinat de la fille Wilhem a bifurqué et est entrée dans une voie toute nouvelle. On a renoncé aux recherches commencées contre l’ouvrier terrassier qui avait proféré des menaces contre la Chinoise. En revanche, après avoir passé une partie de la nuit à interroger les nombreux témoins appelés hier soir dans son bureau, M. Goron a acquis la certitude que le crime avait pour mobile une vengeance de femme ou de souteneurs.
Des nombreux témoignages recueillis, il résulte que la Chinoise s’était attiré la jalousie et la haine de la plupart des prostituées ses voisines, qui ne se faisaient pas faute de la menacer de lui faire un mauvais parti.
Aussi, changeant le cours de ses explorations, le chef de la sûreté prit-il le parti de faire arrêter immédiatement par la brigade de l’inspecteur Gaillarde deux individus, repris de justice, qu’on savait être des plus actifs dans le camp des ennemis de la Chinoise.
Ces deux ignobles personnages, âgés à peine de vingt ans, vivent avec des prostituées ayant dépassé la cinquantaine depuis longtemps déjà.
Ils ont été amenés dans le bureau de M. Goron où ils sont encore à l’heure où nous paraissons.
Ils se nomment Leroy et Greliche. Leroy, le plus compromis des deux, sur lequel pèsent de lourdes charges, est un blond, presque imberbe, aux regards durs, de taille élancée et haute. Greliche, grêle de corps, a la figure glabre des loustics ne barrière. Il feint de rire aux questions qu’on lui adresse, mais, comme disait l’inspecteur chargé de le garder, « il rit jaune ».
Tous deux nient être les auteurs du crime, mais ils vont être confrontés cet après-midi avec plusieurs témoins qui les accusent avec véhémence ; et nul doute qu’ils n’avouent bientôt.
Nous avons aperçu à la dérobée quelques-uns des personnages impliqués dans cette affaire : témoins et inculpés, quelle tourbe !
Le crime de la rue Tiers
(Selon les journaux, les noms et prénoms des protagonistes de cette affaire ont varié de même que l'orthographe de ceux-ci. Le choix a été fait de conserver l'orthographe retenue par les journaux reproduits.)
15 avril 1889
16 avril 1889
17 avril 1889
18 avril 1889
19 avril 1889
20 avril 1889
21 avril 1889
22 avril 1889
23 avril 1889
24 avril 1889
25 avril 1889
26 avril 1889
Postérieurement aux articles parus dans les numéros datés du 26 avril 1889, plus aucun journal ne mentionna
l'affaire, ni les noms de Marie Wilhelm, de Leroy ou de Greliche. La chronique judiciaire ne mentionna pas de passage
de quiconque devant la Cour d'assises de la Seine pour le meurtre de Marie Wilhelm. Les archives de Paris qui détiennent
les dossiers de procédures devant les assises ne mentionnent pas, dans leur inventaire, d'affaire évoquant ces faits.
Seul l'ouvrage "La police de sûreté en 1889" par Horace Valbel publié au fil de l'eau dans le quotidien
"La Petite République" et repris en volume en octobre contient, à l'occasion du panégérique consacré à l'inspecteur
Barbaste, un résumé des faits qu'il présente comme l' "affaire Leroy-Greliche". Toutefois, ce résumé ne comprend
aucun élément nouveau par rapport à ceux révélés par les journaux à la date du 26 avril. On le lira ci-dessous dans
les annexes.
M. Goron, lui-même, dans ses mémoires semble n'avoir fait aucune allusion à cette affaire.
On lira
aussi une intéressante chronique parue le 21 avril 1889, avant donc la conclusion ou plutôt l'absence de conclusion
de l'affaire, dans le quotidien Paris relative au traitement de cette affaire par la presse.