Le crime de la rue Tiers.
Le Matin — 24 avril 1889
Le mystère qui enveloppe cette étrange affaire n'est pas encore percé.
Les assassins présumés de la Chinoise, Leroy et Greliche, ont été de nouveau interrogés hier par le chef de la sûreté, ainsi que leurs maîtresses, la fille Blanche Pinet, dite La Borgne, et Marie Le Douairin, dite La Boiteuse.
Les inculpés ont persisté à affirmer qu'ils étaient étrangers au meurtre de Marie Wilhem.
Malgré ces dénégations, inspirées sans doute par la recommandation faite du haut de l'échafaud aux assassins par le boucher Avinain, et bien que les preuves matérielles fassent absolument défaut, M. Goron n'en est pas moins convaincu de la culpabilité de Leroy et de Greliche.
Leroy a notamment fourni sur l'emploi de son temps le soir du crime plusieurs versions qui ont été reconnues mensongères. Après avoir raconté qu'il était allé se promener du côté de la gare de l'Est, sans motif aucun, il est revenu sur cette déclaration pour affirmer de la façon la plus catégorique qu'à deux heures du matin il avait vu la fille Wilhem rentrer à l'hôtel de la rue Tiers avec un individu qui l'injuriait et la menaçait. Pour lui, cet homme était le coupable.
Hier, Leroy a avoué avoir forgé cet histoire pour se disculper facilement, au cas où on l'accuserait d'être l'assassin de la Chinoise et pour faire peser les soupçons sur un être imaginaire que la police aurait, bien entendu, vainement recherché.
Ce demi-aveu involontaire de l'accusé est d'autant plus précieux à retenir, qu'une femme Vandor, qui habite la maison, a formellement déclaré avoir vu Leroy et Greliche quelques instants avant le crime.
D'ailleurs, la veille, la Boiteuse et la Chinoise s'étant légèrement crêpé le chignon en rentrant chez elles, Leroy, qui est le souteneur de la première de ces filles, aurait dit à la seconde :
— Je t'assure que tu ne nous embêteras pas plus longtemps. Un de ces jours, je te serrerai la vis.
Leroy nie avoir tenu ce propos, qui a été rapporté par plusieurs témoins.
Le crime de la rue Tiers
(Selon les journaux, les noms et prénoms des protagonistes de cette affaire ont varié de même que l'orthographe de ceux-ci. Le choix a été fait de conserver l'orthographe retenue par les journaux reproduits.)
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25 avril 1889
26 avril 1889
Postérieurement aux articles parus dans les numéros datés du 26 avril 1889, plus aucun journal ne mentionna
l'affaire, ni les noms de Marie Wilhelm, de Leroy ou de Greliche. La chronique judiciaire ne mentionna pas de passage
de quiconque devant la Cour d'assises de la Seine pour le meurtre de Marie Wilhelm. Les archives de Paris qui détiennent
les dossiers de procédures devant les assises ne mentionnent pas, dans leur inventaire, d'affaire évoquant ces faits.
Seul l'ouvrage "La police de sûreté en 1889" par Horace Valbel publié au fil de l'eau dans le quotidien
"La Petite République" et repris en volume en octobre contient, à l'occasion du panégérique consacré à l'inspecteur
Barbaste, un résumé des faits qu'il présente comme l' "affaire Leroy-Greliche". Toutefois, ce résumé ne comprend
aucun élément nouveau par rapport à ceux révélés par les journaux à la date du 26 avril. On le lira ci-dessous dans
les annexes.
M. Goron, lui-même, dans ses mémoires semble n'avoir fait aucune allusion à cette affaire.
On lira
aussi une intéressante chronique parue le 21 avril 1889, avant donc la conclusion ou plutôt l'absence de conclusion
de l'affaire, dans le quotidien Paris relative au traitement de cette affaire par la presse.