Le meurtre de la rue Tiers
Autopsie de la victime
La Petite République — 22 avril 1889
Les deux inculpés. — Nouvel Interrogatoire. — Contradiction de leurs réponses
L’on avait plusieurs fois annoncé, et plusieurs fois retardé l’autopsie du cadavre de Marie Wilhelm, la victime — d’ailleurs peu intéressante — de ce meurtre.
Elle a eu heu enfin hier. Elle a été faite, à 10 heures du matin, à la Morgue, par le docteur Descouts. Le médecin-légiste, à la suite de l’examen du corps auquel il s’est livré, a rédigé un rapport concluant que la mort de la malheureuse fille est due à. la strangulation par les doigts.
Selon lui, elle aurait été perpétrée par deux individus. La « Chinoise » aurait succombé au bout de quelques minutes. On voit, d’après ces constatations, qu’il y a donc eu véritablement assassinat — et non violences, suivies d’une congestion occasionnée par l’ivresse, comme on en avait émis l'hypothèse au premier abord.
Les inculpés
M. Goron, qui poursuit, avec son activité habituelle, l'éclaircissement de cette affaire, a fait venir, hier après-midi, dans son cabinet, et a interrogé tour à tour les deux inculpés, Leroy et Greliche.
Greliche, qui est un repris de justice et un madré compère, a persisté à nier toute participation au meurtre.
Mais il a fait une déclaration importante. Il avait prétendu jusqu’ici que Leroy et lui ne s’étaient pas séparés pendant la nuit où le crime a été commis. Or, il est revenu sur cette déclaration et il a avoué que son compagnon l’avait quitté vers deux heures et demie (c’est précisément l’heure où la fille Wilhelm a dû être étranglée) et qu’il avait traversé la rue Tiers, soi-disant pour un besoin naturel, qu’il avait été satisfaire dans la petite ruelle qui se trouve à côte du n° 15.
Leroy, lui, a, au cours de son interrogatoire, manifesté le plus grand trouble. Il avait prétendu, les jours précédents, qu’il avait vu la Chinoise rentrer, vers deux heures, avec un individu — le fameux « terrassier » en question — et qu’il avait entendu la violente querelle qu’elle avait eue avec lui. Or, le signalement qu’il avait donné de cet homme ne correspondait pas du tout à. celui que Greliche et « la Boiteuse » avaient fourni chacun de leur côté.
Comme M. Goron insistait sur l’invraisemblance de cette allégation, Leroy a fini par dire : — Eh bien ! oui, c’est vrai, j’ai menti, cela est faux ; c’est une histoire que j’avais inventée, parce que je ne savais comment me disculper et détourner les soupçons qu’on faisait peser sur moi. Mais j’affirme que ce n’est pas moi qui ai étranglé Marie Wilhelm.
Malgré-cette dénégation, son attitude de plus en plus embarrassée, ses réponses incohérentes et contradictoires sont autant de charges qui ne laissent plus guère de place, au doute sur sa culpabilité.
On est à peu près certain qu’on se trouve en présence du véritable coupable. Aussi l’on a définitivement abandonné toutes autres recherches. La « Borgne » a été aussi entendue ; mais elle n’a fourni aucun nouveau renseignement à l’instruction.
M. Daumesnil.
Le crime de la rue Tiers
(Selon les journaux, les noms et prénoms des protagonistes de cette affaire ont varié de même que l'orthographe de ceux-ci. Le choix a été fait de conserver l'orthographe retenue par les journaux reproduits.)
15 avril 1889
16 avril 1889
17 avril 1889
18 avril 1889
19 avril 1889
20 avril 1889
21 avril 1889
22 avril 1889
23 avril 1889
24 avril 1889
25 avril 1889
26 avril 1889
Postérieurement aux articles parus dans les numéros datés du 26 avril 1889, plus aucun journal ne mentionna
l'affaire, ni les noms de Marie Wilhelm, de Leroy ou de Greliche. La chronique judiciaire ne mentionna pas de passage
de quiconque devant la Cour d'assises de la Seine pour le meurtre de Marie Wilhelm. Les archives de Paris qui détiennent
les dossiers de procédures devant les assises ne mentionnent pas, dans leur inventaire, d'affaire évoquant ces faits.
Seul l'ouvrage "La police de sûreté en 1889" par Horace Valbel publié au fil de l'eau dans le quotidien
"La Petite République" et repris en volume en octobre contient, à l'occasion du panégérique consacré à l'inspecteur
Barbaste, un résumé des faits qu'il présente comme l' "affaire Leroy-Greliche". Toutefois, ce résumé ne comprend
aucun élément nouveau par rapport à ceux révélés par les journaux à la date du 26 avril. On le lira ci-dessous dans
les annexes.
M. Goron, lui-même, dans ses mémoires semble n'avoir fait aucune allusion à cette affaire.
On lira
aussi une intéressante chronique parue le 21 avril 1889, avant donc la conclusion ou plutôt l'absence de conclusion
de l'affaire, dans le quotidien Paris relative au traitement de cette affaire par la presse.