Barrières des Deux-Moulins et d’Italie
Bal d’Hervé — Le Cheval blanc — Anecdote — Exécution de l’ordonnance de M. Mangin
Promenade à tous les bals publics de Paris,
barrières et guinguettes de cette capitale,
ou revue historique
et descriptive de ces lieux
Anonyme - 1830
Nous passerons la première sous silence ; nous n’avons vu à cette barrière que quelques militaires du corps-de-garde qui tient la place de l’octroi. Transportons-nous de suite à la barrière d’Italie, qui du moins nous consolera de la chétive structure de l’autre. Ne perdons pas de temps, entrons chez Hervé. Entendez-vous le son, un peu maigre il est vrai, du violon ? Mais cela empêche-t-il les blanchisseuses de sauter ? En sont-elles moins heureuses ? en sont-elles moins jolies, malgré leur toilette si mesquine ? Il est vrai que la salle est mal tenue, les tables mal lavées, nous dirons même remplies d’ordures ; c’est égal ; M. Hervé voit tous les soirs chambrée complète chez lui ; il y a tant de gens à qui tout est indifférent pourvu qu’ils boivent, qu’ils mangent ou qu’ils dansent…
Transportons-nous à côté au Cheval blanc. C’est encore une guinguette sur le même pied, sur le même ton : mais la société n’est pas la même. Les militaires y sont en grand nombre, tandis que chez Hervé, ce sont les ouvriers qui dominent.
Lorsqu’il fait un temps favorable le devant des guinguettes nous sembles plus curieux à voir : partout des tables et des buveurs mal vêtus ; des chiffonniers, trinquant en véritables conspirateurs, se parlant bas, et ne commençant à élever la voix que lorsque les fumées du vin dit d’Argenteuil font sentir leurs effets. C’est alors que le brouhaha se fait entendre, c’est alors qu’ils échangent entre eux des paroles qui ne sont propres qu’à cette classe d’hommes.
Nous avons remarqué à cette barrière plusieurs inspecteurs de police qui y trouvent bien souvent l’occasion d’exercer leurs fonctions. L’anecdote suivante vient à l’appui de cette assertion ;
Le 17 mai au soir, Sylvain-Marie L… , peintre en bâtiment, revenait de la barrière un peu échauffé par le vin qu’il avait bu avec la fille Foulon, à laquelle il donnait le bras. Des inspecteurs de police qui se trouvaient sur leur passage, pensèrent que la fille Foulon ne devait pas se montrer en public, elle qui appartient à cette classe malheureuse à laquelle l’ordonnance de M. Mangin a interdit la circulation. En conséquence, ils la prièrent de les suivre chez le commissaire de police.
Le sieur L… indigné qu’on osât manquer ainsi à une femme à laquelle il donnait le bras, s’opposa vigoureusement à son arrestation, mais la force armée intervint. Elle emmena tout, et la chevalier courtois et son innocente demoiselle. La jeune fille fut envoyée dan une maison de correction et le peintre en bâtiment condamné le 10 juillet à 11 francs d’amende et un jour de prison.
Bals de Paris, bals de barrière, cabarets, bouges et assommoirs
De par sa position géographique, le 13e arrondissement était une terre propice au développement à son voisinnage des établissements vendant des produits soumis à l'octroi. La naissance du secteur des Deux-moulins tient là son origine. Marchands de vins, salles de bal et autres s'installèrent face à Paris avant de devenir parisiens en 1860. Après la sociologie propre au 13e arrondissement a fait le reste.
Promenade à tous les bals publics de Paris, barrières et guinguettes de cette capitale (1830)
Physiologie des barrières et des musiciens de Paris par E. Destouches (1842)
Paris qui danse par Louis Bloch et Sagari (1889).
Les articles de L'Égalité (1889-1891)
Durant sa courte existence, l'éphémère quotidien socialiste L'Égalité (958 numéros entre février 1889 et octobre 1891) s'intéressa à plusieurs reprises aux bals publics de Paris et aux débits de boissons. Il republia des séries d'articles (qui y reprenait, parfois avec moins de détails des textes parus en 1885 et 1886) sous les signatures d'Emmanuel Patrick et d'Auguste Lagarde (en fait Louis-Auguste Lagarde, décédé en 1890, qui utilisait ces pseudonymes), qui entrainèrent les lecteur dans tous les coins de Paris y compris les plus infâmes du 13e arrondissement.
Les bals de Paris par Emmanuel Patrick
"Les bals publics de Paris se divisent en deux-catégories : les bals proprement dits avec orchestre, et les musettes, où il n'y a pas d'orchestre. Mais par suite de l'extension arbitraire donnée au mot musette on comprend sous cette dénomination tous les petits bals n'ayant qu'un instrument de musique, violon, harpe ou piano. Ceux même qui ont à la fois un violon et un autre instrument sont rangés également parmi les musettes ; — cette classification est absurde, mais elle est généralement adoptée, à cause peut-être de sa flagrante absurdité.
Comme nous faisons une monographie des bals et que nous n'avons pas la secrète ambition de réformer le langage, ce qui d'ailleurs serait une entreprise au-dessus de nos moyens, nous allons adopter tranquillement la classification idiote dont on se sert partout, c'est-à-dire que les petits bals de marchands de vins, qu'ils aient un violon ou un orgue de Barbarie, seront appelés musettes. Voilà le lecteur averti."
Louis-Auguste Lagarde
- Le bal du Siècle - L'Égalité — 4 juin 1889
- Le bal Giraldon - L'Égalité — 4 juin 1889
- Les bals-musettes - L'Égalité — 12 juin 1889
Cabarets, bouges et assommoirs par Auguste Lagarde
Cabarets modernes ayant cessé d’exister
Cabarets existant
- L’Assommoir des Deux-Moulins - L'Égalité — 16 janvier 1891
- Le Bois tordu du boulevard de la Gare / Les Deux Moulins du boulevard de l’Hôpital - L'Égalité — 17-18 janvier 1891
Les bals de Paris - Deuxième partie par Auguste Lagarde
Bals disparus
- Avant-propos - L'Égalité — 12 mars 1891
- Le bal Figeac, 93 boulevard de la Gare - L'Égalité — 23 avril 1891
Autres lieux
Le cabaret de la Mère Marie, barrière des Deux-Moulins
- Le cabaret de la mère Marie vu par Alfred Delvau (1859, version courte)
- Le cabaret de la mère Marie vu par Alfred Delvau (1860, version longue)
- Le cabaret de la mère Marie vue par La Chronique illustrée (1869)
- Le cabaret de la mère Marie vu par Charles Virmaître (1887)
La Belle Moissonneuse
Le bal de la Belle Moissonneuse, fondé en 1823, était installé 31 rue Nationale (ancienne numérotation).
Et encore...
- Le cabaret du Pot-d'étain (1864)
- Un bal anonyme aux Deux-Moulins - Maxime du Camp (1875)
- Le cabaret des Peupliers - J.-K. Huysmans (1880)
D'autres établissements du 13e arrondissement eurent des renommées furtives ne consistant qu'à les citer sans entrer dans les détails. Si d'aventure, des éléments d'information étaient découverts, nul doute qu'ils auraient alors leur page. C'était le cas pour :
- Le bal des Fleurs ;
- Le bal Arnold dit le "bal des Boches", fermé en 1886, 161 boulevard de la Gare ;
- Le bal Péru ;
- Le bal des Troubadours, 73 boulevard d'Italie (Auguste-Blanqui) ;
- Le bal Bern, 127 boulevard d'Italie (Auguste-Blanqui).
Le bal du Progrès, 36 boulevard de l'Hôpital, souvent rattaché au 13e arrondissement, était en fait dans le 5e.